mercredi 15 septembre 2010

Kiejman et Metzner : le duel féroce de deux ténors

Les deux avocats, aux styles très différents, se livrent une lutte sans merci dans le dossier Bettencourt. Mercredi, c'est pour une affaire de diffamation qu'ils vont comparaître. Réputés pour se détester, les deux hommes s'étaient déjà livrés bataille au cours du procès de Bertrand Cantat.

«Comme tous ceux qui ne se trouvent pas beaux, il est grisé par la médiatisation», dit de son adversaire Georges Kiejman, l'avocat de Liliane Bettencourt. «Je ne recherche pas spécialement la lumière, lui rétorque Olivier Metzner, défenseur des intérêts de Françoise Bettencourt-Meyers. J'essaie simplement de faire entendre une autre vérité». A l'approche du procès entre François-Marie Banier, protégé de l'héritière de l'Oréal, et la fille de celle-ci, leurs deux avocats se livrent une lutte sans merci par médias interposés. Et leur relation est à l'image de celle qu'entretiennent les deux femmes : glaciale. Dernier bras de fer en date : Me Olivier Metzner, 60 ans, a porté plainte à l'encontre de son collègue de 77 ans pour diffamation, après que ce dernier l'a accusé d'être le «cerveau» des enregistrements clandestins de la milliardaire. Le procès se tient ce mercredi.

Ces deux ténors du barreau ont peu de choses en commun, si ce n'est la passion du métier et un goût prononcé pour les cigares. Orphelin d'un père jamais revenu d'Auschwitz, Georges Kiejman est élevé seul par sa mère dans un petit appartement parisien. Olivier Metzner, lui, grandit dans une famille d'agriculteurs de l'Orne, où il reçoit une éducation protestante. La mère de Georges ne sait ni lire ni écrire, mais lui se passionne pour la littérature. Nourrissant le fantasme de défendre la veuve et l'orphelin, il se dirige, après une scolarité brillante, vers des études de droits qu'il finance en exerçant divers petits boulots. De son côté, Olivier mène - de son propre aveu - un parcours scolaire de cancre. Renvoyé de plusieurs établissements, il parvient tout de même à décrocher un baccalauréat technologique à 21 ans, avant de s'orienter vers des études de droit.

En s'engageant dans la carrière d'avocats, les deux hommes empruntent des chemins diamétralement opposés. Attiré par le gratin parisien et les affaires très médiatisées, Georges Kiejman défend rapidement de nombreuses personnalités, Pierre Goldman en tête. Il parvient même peu à peu à se faire une place en politique. D'abord, en côtoyant Pierre Mendès France, qui, racontera-t-il plus tard, le façonna humainement et politiquement. Puis, en entrant dans le cercle très fermé des proches de François Mitterrand, avec qui il partage le goût des livres. Plutôt marqué à gauche, l'homme figure, par trois fois, au gouvernement au début des années 90, avant de retourner à ses premières amours. Parmi ses clients les plus célèbres figurent dans le désordre Dodi Al Fayed (affaire Diana), Georges Ibrahim Abdallah, Malik Oussekine mais aussi Robert de Niro (affaire des call-girls), Roman Polanski, Rachida Dati ou encore Bernard Kouchner. Nicolas Sarkozy a également fait appel à ses services au moment de son divorce avec Cécilia.


Les deux hommes s'opposent au procès Cantat

Olivier Metzner, lui, se fait la main dans le métier avec des escrocs et des braqueurs de banques. Bien loin des paillettes et de l'intelligentsia parisienne. Un gros coup, en 1983, lui permet pourtant d'accéder à une certaine notoriété : cette année-là, il parvient à faire libérer un braqueur notoire en dénichant un vice de procédure que personne n'avait relevé dans le dossier. Le bug procédural devient alors sa marque de fabrique. Réputé pour être toujours le premier à réclamer les scellés et l'intégralité des pièces d'un dossier, l'homme se retrouve chargé de dossiers de plus en plus complexes. En 1989, la défense de son premier grand patron, dans l'affaire Cogedim (magouille immobilière), constitue un tournant dans sa carrière. Rapidement, il devient un éminent conseil des cols blancs, réputé pour être l'un des avocats les plus chers (certains parlent de 700 euros de l'heure). Parmi ses clients : Bouygues, Eurotunnel, Elf (Loïc Le Floch Prigent) Crédit Lyonnais et, récemment, Continental Airlines pour le procès du Concorde ainsi que Jérôme Kerviel. Mais aussi des cas plus délicats encore, comme Jacques Crozemarie, ancien président de l'Association pour la recherche sur le cancer et l'Eglise de Scientologie - une défense qui lui valu de nombreuses critiques.

Au fil des affaires, deux styles émergent. D'un côté, le conteur charismatique mondain, qui sait monter au créneau lorsqu'il le faut. De l'autre, un orfèvre de la procédure discret, qui préfère la défense à l'attaque. Des différences qui avaient déjà fait des étincelles en 2004 dans l'affaire Bertrand Cantat. Me Georges Kiejman représentait alors la famille Trintignant tandis que Me Olivier Metzner assurait la défense du chanteur de Noir Désir. Mais le procès se déroulant en Lituanie, les deux hommes n'avaient guère pu prendre la parole, les audiences étant menées par leurs correspondants lituaniens. Les échanges musclés entre les deux hommes se déroulèrent donc principalement par voie de presse interposée. La frustration, pour les deux hommes, fut terrible : gage que le procès Bettencourt leur donnera l'occasion de se rattraper.
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/06/30/01016-20100630ARTFIG00746-kiejman-vs-metzner-le-duel-feroce-de-deux-tenors.php

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