dimanche 24 juillet 2011

Vol de métaux ou « glanage » ?

Voilà qui pourrait faire l'objet d'un cas pratique à un examen de droit. G.L., 43 ans, et K.B., 46 ans, ont été arrêtés mardi, alors qu'ils chargeaient des métaux dans un véhicule garé devant l'entrée d'une barre LMH vouée à la démolition d'ici à décembre, près de la Porte de Valenciennes à Lille.

En garde à vue, les deux hommes ne cherchent pas à nier. Le duo reconnaît être entré dans des appartements vides de tout habitant, dont les portes étaient ouvertes. Et avoir scrupuleusement démonté la tuyauterie et la robinetterie.
« C'était de la récupération ! »
« C'était pour payer mon voyage à Angers où je dois faire les vendanges dans quinze jours, une fois que j'ai payé mon loyer, il ne me reste plus que 200 E et j'ai quatre enfants à nourrir », murmure K.B., qui doit en plus financer une consommation d'héroïne. G.L., lui, admet avoir mis à disposition sa voiture pour aller chez le ferrailleur, et devait toucher une commission sur la vente. Mais surtout, tous deux habitent dans cette barre où ne demeurent plus qu'une poignée de locataires.
« L'immeuble est abandonné, il n'y a plus personne ! On pensait pas que c'était du vol, tout le monde le fait, et si on ne les prenait pas, d'autres l'auraient fait, scande K.B. Pour moi, c'était de la récupération ! » La procureure Françoise Guillemin n'a pas la même vision des choses. Pour elle, « le lieu doit être démoli mais les biens appartiennent toujours à LMH, ils ne sont pas abandonnés ! ». La magistrate admet que « ce n'est pas le dossier de l'année » mais demande malgré tout la condamnation, et ses réquisitions sont particulièrement lourdes pour G.L. qui affiche un casier long comme un jour sans pain, et pour qui elle demande six mois de prison ferme.
Un scandale pour Me Ève Thieffry, qui plaide la relaxe. « Une chose est abandonnée quand le propriétaire le laisse à l'abandon. C'est bien le cas de cette barre, j'y suis allée, c'est effroyable, il n'y a pas de lumière, j'ai eu l'impression d'entrer dans une mine ! Tout est dans un état déplorable, K.B. n'a plus d'eau, ni de gaz, ni d'électricité, on entre comme dans un moulin. C'est presque du glanage ! On leur demande d'être respectueux envers un bâtiment alors que le bailleur n'est pas respectueux envers ses locataires ! Je trouve ça honteux ! »
Une plaidoirie percutante qui ne convaincra pas le tribunal. Nourith Reliquet conclut : « Tant qu'un bien n'est pas jeté, il n'est pas abandonné. » G.L. écope de six mois ferme sans mandat de dépôt. K.B., lui, écope de six mois de sursis avec mise à l'épreuve et devra se tenir à carreau.

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