mercredi 27 août 2014

Condamné lors d’un procès en appel qui n’aurait pas dû avoir lieu

Jean B. le reconnaît lui-même : oui, il s’est emporté. Oui, il a levé la main sur un homme à l’issue d’une dispute. Mais il conteste les conséquences de ce geste, et surtout l’enchaînement de circonstances qui a conduit à sa condamnation finale : un an de prison ferme.
L’histoire commence en juin 2010, lorsque le jeune Mulhousien est convoqué à la barre du tribunal correctionnel de Mulhouse pour y répondre de violences avec incapacité totale de travail (ITT) supérieure à huit jours après une altercation avec une vague connaissance.
« Il me reprochait de lui avoir déboîté la mâchoire et percé le tympan. J’ai toujours reconnu que je lui avais mis deux claques, mais quand je l’ai quitté, il allait bien » , assure-t-il. Considérant que les blessures étaient nettement postérieures à l’altercation et n’avaient aucun lien direct, l’avocat de la défense, Me Philippe Bertrand, demande au tribunal de requalifier l’infraction en violences non aggravées, passibles d’une simple contravention.
Après délibération, le tribunal rejette cette requête, juge le prévenu coupable des faits qui lui sont reprochés, mais écarte la peine-plancher dont il aurait pu écoper en raison d’une condamnation pour des faits de même nature plusieurs années plus tôt. Jean B. écope de 90 jours-amendes à 10 €, soit 900 € à débourser.
C’est un loupé, ça peut arriver
« À toutes fins utiles » , l’avocat interjette appel du jugement avant de décider, en concertation avec son client, de se contenter de la première décision. Comme il l’explique, document cacheté à l’appui, il se rend au tribunal où il se désiste de son appel le 22 juin 2010.
« Le procureur n’ayant fait qu’un appel incident – et non pas un appel principal pour que la peine soit aggravée –, mon désistement entraîne également le sien, précise l’avocat. Bref, pour moi, c’est terminé. » Seulement voilà : contre toute attente, il reçoit quelques mois plus tard une convocation à la cour d’appel pour une audience le 24 février 2011.
« Là, je pense que le désistement n’est pas arrivé à la cour d’appel, je me dis : c’est un loupé, ça peut arriver. Par acquit de conscience, le 23, j’envoie quand même un fax pour indiquer que je ne me présenterai pas à l’audience puisque je me suis désisté, ce qui doit figurer au dossier. Et le lendemain, dans l’après-midi, je reçois un appel indiquant que mon fax n’a pas été transmis à temps, que la cour d’appel a pris l’affaire et qu’elle a condamné mon client à la peine plancher. »
En clair, la condamnation de Jean B. est considérablement alourdie : il écope d’un an de prison ferme avec mandat d’arrêt. Pour faire annuler la décision, Philippe Bertrand envisage la seule voie possible : il interjette un pourvoi devant la Cour de cassation.
« Entre-temps, je suis informé personnellement que la peine sera traitée comme non avenue. Ce n’est pas satisfaisant, sauf que suivre un pourvoi nécessite des moyens que mon client n’a pas… » En concertation avec son client, il décide donc d’en rester là en croyant que la peine ne sera jamais appliquée… mais là encore, rien ne se passe comme prévu. En septembre 2011, la Cour de cassation rejette le pourvoi. « Il y a tout lieu de penser que le dossier est parti sans l’acte de désistement » , poursuit l’avocat. Et deux ans plus tard, son client est convoqué chez le juge d’application des peines (Jap).
Il me reste 19 minutes pour rentrer
En mai 2014, lors d’un nouveau rendez-vous, le Jap explique qu’il n’a pas d’autre choix que de faire appliquer la sanction et il opte pour une peine alternative à la prison : un bracelet électronique obligeant Jean B. à rester à domicile l’essentiel de la journée. « La décision est là, il n’y a pas eu de recours, on ne pouvait pas ne pas l’appliquer, explique-t-on à la cour d’appel. On l’a mise en exécution de la façon la plus favorable, le Jap a fait son travail en l’aménageant. »
Mais pour le jeune Mulhousien, cette solution n’est toujours pas satisfaisante. Dans un courrier adressé à l’Élysée et à la Place Beauvau, il demande au président de la République François Hollande un décret de grâce. Et en attendant la réponse, il est particulièrement vigilant aux horaires, comme le jour de l’entretien. « Ah, il est 12 h 11, observe-t-il en partant. Il me reste 19 minutes pour rentrer… »

http://www.lalsace.fr/haut-rhin/2014/08/27/condamne-lors-d-un-proces-en-appel-qui-n-aurait-pas-du-avoir-lieu

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