jeudi 26 mars 2015

Deuxième procès Bettencourt : Florence Woerth réduite à "un paquet cadeau" ?

On a vu un policier se tordre de rire sur un banc de la salle d'audience. On a vu un président du tribunal se cacher dans ses mains pour sourire. On a vu des journalistes et un procureur glousser. Et on a vu un Eric Woerth, bien qu'habitué, éclater de rire.  
L'avocat de l'ancien ministre du Budget de Nicolas Sarkozy a eu raison de profiter de la suspension d'audience pour se faire poser un micro-cravate, qui le "laissa" libre de ses déplacements et de ses bras. Faute de quoi, il en aurait perdu sa théâtralité qui fait sa singularité.
"Oooh" ces "étranges concomitances", ces "sérieuses concordances de dates", "ces rapprochements comiques" qui conduisent à cette affaire "absurde" qui est "une folie". "Vous êtes sûrs que bientôt on va apprendre qu'ils ont fait un hold-up au petit matin", exagère Me Le Borgne pour dénoncer une appétence pour le scandale politique et judiciaire "où le riche est corrupteur et le puissant corrompu". Où le nom d'Eric Woerth suscite le "fantasme", comme il disait déjà le mois dernier.

Florence Woerth, "cette incapable"

Après trois jours d'audience, "la thèse" d'un ruban-rouge de la Légion d'honneur accroché à Patrice de Maistre contre un emploi accordé à Florence Woerth, "cette incapable qui ne pourrait pas trouver de travail toute seule", s'effondre, plaident les avocats des deux prévenus, jugés pour "trafic d'influence".
"J'ai l'impression que je n'ai jamais eu autant de preuves dans un dossier", lance Me Jacqueline Laffont, conseil de Patrice de Maistre. Aux éléments à charge recensés par les juges d'instruction sur l'embauche en septembre 2007 de Florence Woerth, elle oppose ses arguments : certes, elle n'avait pas exactement le profil (quelqu'un de jeune avec peu d'expérience), mais celui-ci avait évolué au fil du temps pour trouver preneur à ce poste vacant depuis septembre 2006.
La preuve, une "sénior" avait été reçue en décembre. La preuve aussi, plaide-t-elle, un jeune candidat était sur le point d'être embauché s'il n'avait pas bloqué sur les questions salariales.
La rémunération supérieure que prévue de Florence Woerth, elle, n'a pas fait barrage ? Elle venait de renégocier son contrat avec son employeur et avait d'autres propositions, fait valoir Me Jacqueline Laffont. "S'est-on demandé si elle avait le profil d'un paquet cadeau qu'on balade ?", a renchéri son confrère Me Jean-Yves Le Borgne pour dénoncer cette "hypothèse lamentable".

"Je me suis trompé"

Dans ce contexte, que font-ils des enregistrements clandestins de 2010, où Patrice de Maistre dit à Liliane Bettencourt qu'il a recruté Florence Woerth à "la demande" du ministre "pour lui faire plaisir" ?
Dans "cette écoute à partir de laquelle on a échafaudé cette histoire", plaident Me Laffont puis Me Le Borgne, Patrice de Maistre est "gêné" et "au fond, essaye de se justifier" pour la licencier. D'ailleurs, relève l'avocat d'Eric Woerth, "Patrice de Maistre dit : 'Je me suis trompé quand je l'ai engagée'. S'il s'est trompé", c'est qu'il n'y a pas eu corruption, croit-il comprendre.
Dans ce deuxième volet, où Me Laffont dénonce "un mélange des genres", où inéluctablement ont été évoqués des "faits" évoqués lors du premier épisode "en cours de délibéré", le jugement a été également remis au 28 mai (comme dans le volet abus de faiblesse).
Eric Woerth et Patrice de Maistre, pour lesquels le procureur a requis la relaxe, encourent jusqu'à 10 ans de prison et 150 000 euros d'amende, éventuellement assortis d'interdiction des droits civiques ou d'exercer une fonction publique.
SI VOUS AVEZ LOUPÉ UN ÉPISODE
  • Pourquoi ce deuxième procès ?
Pendant trois jours, Eric Woerth et Patrice de Maistre sont jugés au tribunal de Bordeaux pour trafic d'influence. Patrice de Maistre est soupçonné d'avoir fourni un travail dans une société des Bettencourt à l'épouse d'Eric Woerth en échange d'une Légion d'honneur. 
>> Revivez la première journée et la deuxième journée de ce procès
  • Les autres volets de l’affaire
- Le volet pour "abus de faiblesse" s'est déroulé à cheval sur les mois de janvier et février 2015. Dix prévenus étaient à la barre. Le jugement a été mis en délibéré le 28 mai. Retrouvez sur ce lien un résumé des cinq semaines d'audience.
- Le volet "violation du secret professionnel" verra comparaître à Bordeaux, les 8 et 9 juin, la juge Isabelle Prévost-Desprez. Elle est soupçonnée d’avoir informé des journalistes du Monde d’une perquisition menée chez Liliane Bettencourt.
- Autre volet qui sera instruit à Bordeaux, mais dont la date n’a pas été pour l’heure déterminée, celui "d’atteinte à l’intimité de la vie privée" concernant la publication des enregistrements-pirates.  Six personnes sont renvoyées dans ce dossier : Pascal Bonnefoy, l’ancien majordome de Liliane Bettencourt, auteur des écoutes clandestines publiées dans la presse et cinq journalistes du Point et de Mediapart (Franz-Olivier Giesbert, ex directeur du Point ; Hervé Gattegno, rédacteur en chef de l’hebdomadaire ; Edwy Plenel, directeur de Mediapart ; Fabrice Arfi, journaliste à Mediapart et Fabrice Lhomme, ancien journaliste du site d’informations).
Par ailleurs, une procédure distincte est en cours à Paris, suite à des plaintes déposées en 2012 par François-Marie Banier et Patrice de Maistre contre Claire Thibout, l’ancienne comptable de Liliane Bettencourt. Fin novembre, elle a été mise en examen pour «faux témoignages» et "attestation mensongère". 
  • Pourquoi l’affaire a été délocalisée à Bordeaux
La procédure a été transférée de Nanterre à Bordeaux le 17 novembre 2010, sur décision de la cour de Cassation. Sur fond de rivalités entre les magistrats de Nanterre et les soupçons portant sur la juge Isabelle Prévost-Desprez, la Cour de Cassation avait choisi de dépayser l’affaire dans la capitale girondine.

http://www.sudouest.fr/2015/03/25/le-melange-des-genres-du-deuxieme-proces-bettencourt-1870615-4869.php

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