mercredi 27 mai 2015

Outreau : Myriam Badaoui ne connaît Daniel Legrand «ni d'Ève ni d'Adam»

Comme elle l'avait fait lors du procès de Paris, en 2005, Myriam Badaoui est venue hier à Rennes disculper Daniel Legrand, jugé pour la troisième fois dans l'affaire d'Outreau. Méconnaissable - elle a perdu au moins 20 kg - , les cheveux serrés dans un foulard beige, la mère de Chérif, Dimitri et Jonathan Delay, parties civiles, a clairement affirmé que l'accusé était innocent: «Ce jeune homme, je le connais ni d'Eve ni d'Adam. On lui a retiré sa jeunesse à cause de mensonges, surtout des miens». Contrairement à la plupart des 17 accusés renvoyés devant les assises - treize seront acquittés -, Daniel Legrand n'avait, en effet, jamais été désigné par les enfants qu'il lui est reproché d'avoir violés.
Selon Mme Badaoui, dont le propos se noie souvent dans un torrent de larmes, tous les faits criminels qu'elle avait relatés en mettant en cause Daniel Legrand et feu son père, qui portait le même prénom, sont issus de son imagination. Un exemple: «Le père m'enc... pendant que le fils tenait le sex-shop» de la rue des Religieuses anglaises, à Boulogne-sur-Mer. L'établissement existe, puisque le mari de Mme Badaoui en était l'un des meilleurs clients; mais le malheureux Daniel Legrand père, métallier qui se tuait au travail, n'en a jamais été le propriétaire, pas plus que son fils, âgé de 15 ans à l'époque où la scène se serait produite, n'y fut jamais employé.

Il ressort de la longue audition de la mère indigne de la Tour du Renard que ses relations avec le juge Burgaud, tout au long de l'instruction, étaient fortement dévoyées. Cette femme, dont la vie est d'une tristesse à pleurer, avait eu, pour la première fois, l'impression que quelqu'un s'intéressait à elle. Du coup, poursuit-elle, elle disait au magistrat ce qu'il voulait entendre. Sinon, il n'était «pas content» et «tapait du poing» sur la table: «Je repartais dans mes délires», dit-elle. Comprendre: elle rectifiait ses déclarations pour les faire coller avec ce que le magistrat avait déjà collecté, auprès de ses enfants notamment, dont elle avait la hantise qu'ils puissent être traités de menteurs.«J'ai menti, je m'excuse auprès de Daniel Legrand, auprès de tout le monde, auprès de mes enfants, pleurniche le témoin. Mais je veux plus mentir pour faire plaisir. Le juge, il m'a bouffé ma vie».
Jonathan demande à parler à sa mère. Il se place face à elle, qui fut condamnée pour l'avoir violé avec son père. Bouleversé, les poings serrés au fond de ses poches, la gorge nouée, il aspire de petites goulées de l'air surchauffé du prétoire pour ralentir son coeur dont on devine qu'il bat la chamade. Comme mardi à son père, il demande à sa mère si elle maintient qu'il n'y avait que quatre adultes violeurs (ses parents et un couple de voisins), quatre enfants victimes (Chérif, Dimitri, Jonathan et leur frère Dylan, qui ne s'est pas constitué partie civile), que les viols n'étaient pas filmés. Myriam Badaoui confirme en sanglotant. Le jeune homme ne l'exhorte pas à livrer les noms d'autres coupables, bien qu'il pense qu'il y en a: il reprend calmement sa place.

Un peu plus tard, Me Frank Berton, l'un des avocats de Daniel Legrand, presse le témoin: «C'est Jonathan qui dit la vérité ou c'est vous? Que pouvez-vous lui dire?»
Myriam Badaoui, à son tour, prend sa respiration. D'un trait, elle lâche: «J'ai beaucoup menti, beaucoup détruit. J'étais dégoûtée de ma vie. Avec M. Burgaud, j'étais devenue quelqu'un. Mais on construit pas sa vie sur des mensonges, car ils vous rattrapent toujours. J'espère du fond du coeur, Jonathan, qu'un jour, mon fils - car tu restes mon fils même si pour toi je ne suis plus ta mère -, j'espère, mon garçon, qu'un jour tu comprendras que le mensonge détruit, et qu'il ne construit pas».
À cet instant on s'interroge sur la nature de ce procès d'un homme, Daniel Legrand, acquitté comme majeur et rejugé pour la même chose en tant que mineur, alors que l'arrêt de renvoi ne précise pas pour quels faits précis il comparaît. Cela ressemble davantage, finalement, à une sorte de thérapie familiale publique polluée par un maigre troupeau de révisionnistes judiciaires, adeptes obsessionnels du grand complot pédocriminel. Une thérapie où seraient conviés Daniel Legrand, témoins, presse et public. Il n'est pas certain que la cour d'assises soit le lieu le plus adapté pour ce genre de catharsis.
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/05/27/01016-20150527ARTFIG00204-myriam-badaoui-ne-connait-daniel-legrand-ni-d-ve-ni-d-adam.php

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