lundi 29 juin 2015

Des conducteurs primo-délinquants face à la mort sur les routes

Ils ont été contrôlés positifs à l'alcool ou au cannabis. Ces primo-délinquants se retrouvent face aux parents de victimes, dans un tribunal. Édifiant.
Les imprudences routières tuent plus de trois mille fois par an. Une tragédie nationale qui s'enracine dans plusieurs facteurs : la confusion entre conduite et toute-puissance ; le manque criant de transports publics en France ; l'irresponsabilité de certains conducteurs. Une expérience intéressante se déroule à Beauvais, dans l'Oise, pour tenter de mettre fin à l'irresponsabilité meurtrière.
Convoqués au tribunal de Beauvais pour avoir été contrôlés positifs à l'alcool ou au cannabis, des auteurs d'accidents ne sont pas face à un juge, mais à des parents qui ont perdu leurs enfants sur la route et qui les plongent dans leur "monde de victimes"."Vous avez de la chance. Vous auriez pu être dans une salle (d'audience) en bas à vous expliquer, à essayer de répondre à des questions auxquelles vous n'avez pas les réponses avec, sur vous, les regards d'une famille qui veut juste vous démonter la tête" : face aux six hommes et une femme réunis au tribunal de Beauvais, Jean-Luc Callebaut, bénévole de l'association Marilou, et Philippe et Nadine Poinsot, qui l'ont fondée, parlent sans détour.

Réveillon, contre-sens

Lors de ce stage, alternative aux poursuites judiciaires ou complément d'une peine, ils veulent les "amener dans (leur) monde de victimes pour essayer de changer leur comportement", résume Nadine Poinsot. "En général, quand on commet un délit routier, on se dit : “Le risque, c'est de perdre mes points ou mon permis”. Mais nous, on s'occupe de victimes, on pense au risque mortel", lance son mari en introduction.

Ici, pas de points à récupérer. "Si je suis ici devant vous, c'est que j'ai eu un mauvais accident de la route", poursuit-il avant de raconter ce retour de Réveillon en 2002, le brouillard, une voiture à contre-sens, le choc, la mort de leur fille Marilou (9 ans), la découverte que le chauffard n'avait pas le permis et était sous l'emprise du cannabis... Les histoires réunies sont tout aussi banales. William, chauffeur de bus de 37 ans, a été contrôlé positif alors qu'il allait chercher des cigarettes après un barbecue arrosé ; un jeune de 19 ans pris sous cannabis en rentrant d'une partie de pêche pour un joint "consommé le matin" ; Annie, employée de restauration de 36 ans, qui a pris le volant après avoir bu "cinq bières" avec son mari...
Ces primo-délinquants ne présentaient pas de taux élevés. C'est pour ça qu'on leur a proposé ce stage. "Après, ils ne pourront plus dire : “Je ne savais pas”", dit Clément Clochet, magistrat, pour qui "le fait de venir au tribunal, de débourser 150 € (versés à l'association), de prendre une demi-journée de congé pour ceux qui travaillent", constitue bien une sanction. Les retraits de points ou suspensions de permis sont également appliqués.

La futilité et la violence

La discussion s'ouvre peu à peu autour de cas traités par l'association, comme celui de Cyprien, adolescent tué dans un accident alors que son ami d'enfance conduisait sous cannabis et dont "les familles très amies se sont mises à se détester", ou de Laurent, cycliste percuté et "projeté dans un arbre à trois mètres du sol".
La violence des accidents, la futilité de leurs causes, la détresse des proches, le désarroi des chauffeurs aux procès font hausser les sourcils. Parmi les questions qui reviennent : "Pourquoi on n'interdit pas l'alcool au volant, alors ?", "S'il a respecté la limitation de vitesse, pourquoi il est responsable ?"Les résultats de ces stages, lancés il y a un an à Beauvais ? "C'est efficace, assure William. Je me dis que je pourrais perdre mes enfants à cause d'une personne comme moi qui a bu ou fumé. Et c'est difficile de se dire qu'on peut nous aussi tuer". "Ça fait réfléchir. Maintenant quand je prendrai le volant, je ne prendrai plus une goutte d'alcool", jure Nicolas Horber, en sortant. "C'est la première et la dernière fois que je le fais", promet également Annie : "C'est tellement précieux, un permis. Et la vie aussi." La vie surtout
http://www.midilibre.fr/2015/06/28/face-a-la-mort-sur-les-routes,1182493.php

Aucun commentaire: