dimanche 23 août 2015

Un coup de fusil presque fatal

Manuel F. arrive à la barre avec un air de chien de chasse battu et manifestement, il n'en mène pas large. Le 12 octobre 2013, un homme arrive aux urgences de l'hôpital où il s'effondre au sol, le thorax béant, déchiqueté. Le blessé, Fabrice, est pris en charge immédiatement et vue l'extrême gravité de ses blessures, est transféré dans la foulée vers Purpan, à Toulouse : il ne doit la vie qu'à l'habileté des chirurgiens. Fabrice a en effet reçu un coup de fusil à bout portant : sa poitrine est déchirée, son cœur est atteint de plusieurs petits plombs, son pancréas et sont estomac sont en lambeaux. Ce qui s'est passé est assez consternant. Ce matin d'octobre, Manuel, Fabrice et Pascal, trois copains d'enfance, décident de partir à la chasse vers Juillan. Si les deux derniers ont un permis en bonne et due forme, Manuel n'a jamais jugé utile de le passer. Il n'a donc pas le droit de détenir un fusil. Qu'à cela ne tienne, en utilisant le permis de son frère, il achète une arme et chasse comme si de rien n'était. N'ayant pas le permis, il n'a donc pas pu étudier les règles de sécurité inhérentes à la pratique de la chasse. Pas grave, pense-t-il. La chasse est sur le point de se terminer quand Pascal reçoit un appel sur son portable : son épouse est en panne d'essence à Ibos et il doit aller la rejoindre. Manuel et Fabrice rentreront seuls. Les fusils sont rangés dans le coffre et Manuel s'installe au volant. En chemin, ils passent sur un petit pont qui enjambe un cours d'eau, au milieu des habitations. Au milieu de la rivière aussi, un canard qui barbotte : «Je vais me le tirer !», s'exclame Manuel. Mais Pascal tente de l'en dissuader : on ne tire pas à proximité des habitations. C'est marqué sur son permis à lui, peut-être, mais pas sur celui de Manuel, et pour cause. Manuel saute hors de la voiture, attrape dans le coffre le premier fusil qui lui tombe sous la main et qui n'est pas le sien. Dans un geste fébrile, pressé de tirer sur son canard, il casse le fusil, le charge et pivote en se retrouvant pile face à Fabrice, resté dans la voiture. Quand il arme le fusil, le canon toujours pointé sur Fabrice, le coup part et Fabrice reçoit la décharge en pleine poitrine. Son ami va le conduire à toute vitesse à l'hôpital, mais le mal est fait. À la barre, le tireur se défend maladroitement : «J'en dors plus de cette histoire. Mais c'était pas volontaire, c'est qu'un accident». La présidente Gadoullet sursaute : «Un accident, peut-être, mais vous les accumulez, les fautes graves. Ça devait forcément arriver. La gravité de vos négligences est ahurissante». La défense du prévenu est de plus en plus douteuse : «Je croyais que c'était un ami. Jamais j'aurais pensé qu'il m'enfoncerait comme ça». Là encore, la présidente est interloquée : «Mais c'est vous qui l'avez enfoncé, au sens propre ! Il ne vous a pas enfoncé comme vous dites, mais vous, vous avez failli l'enterrer ! Quand on lit le bilan lésionnel, on se demande comment il est encore en vie». Le procureur Jardin juge «ce comportement totalement inconséquent. Les faits sont particulièrement graves et on est passé tout près de l'homicide. Ce monsieur n'a écouté que sa bêtise : il ne passe pas le permis, se moque des règles de sécurité, tire au milieu des habitations, pointe son fusil sur quelqu'un. La sanction doit être sévère». Me Tandonnet, pour la défense, va plaider que «les faits sont certes graves et auraient pu être évités, mais on reste malgré tout dans le cadre de l'accident». L'inconséquence a un prix : 2 ans de prison dont 1 an ferme. Les dommages et intérêts seront évalués plus tard.

http://www.ladepeche.fr/article/2015/08/23/2163792-un-coup-de-fusil-presque-fatal.html

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