samedi 30 avril 2016

Lure : « j’ai tapé, tapé… Je voulais qu’il me regarde dans les yeux ! »

Hâbleur un brin mythomane et coureur de jupons, père très occasionnel mais festif, le cœur sur la main, toujours prêt à arranger un ami en lui dénichant un bon plan et encaisser un petit bénéfice au passage, tel est décrit Serge Pheulpin. « A jeun, il était adorable », confie son ex-amante. Se dessine au fil des témoins le portrait d’un homme, certes à la marge mais débrouillard et bon vivant. Un sympathique « mamaillou » qui « n’avait qu’un seul défaut : l’alcool », confie un ami, artisan du bâtiment l’employant occasionnellement. « On pouvait compter sur lui. » Ivre, « le boxeur » aimait à rappeler avoir pratiqué le noble art dans sa jeunesse. Pour autant, réputé avoir la main lourde, Serge Pheulpin n’a pas rendu un seul des coups qui lui ont été portés au soir du 9 octobre 2012 par deux « gamins » de 18 et 23 ans.
L’expert, appelé à la barre ce vendredi matin voit dans la correction mortelle infligée à Serge Pheulpin, la « conjonction de deux parcours de vie. » Ceux de Franck et Valentin. « L’histoire de l’un a-t-elle joué sur le comportement de l’autre, c’est plausible », envisage le docteur Delachaux. Le psychiatre analyse également « l’absence totale d’empathie » et le rejet de toute responsabilité de Franck Lachat envers la victime comme un réflexe de « déculpabilisation. La vérité est trop lourde, il la minimise. » Quant à Valentin Rudent, l’expert l’estime « à la limite du psychopathe. » Le garçon qui semble parler à tout le monde sauf aux enquêteurs et à la cour lui a avoué : « j’ai tapé, tapé, tapé… Je lui ai dit “Relève toi”. Je voulais qu’il me regarde dans les yeux ! »

Trois heures de dénégation

Une insulte de la part de Pheulpin, fâché que l’on force sa porte, serait à l’origine de cette explosion de violence : « Sale arabe ». Là aussi seul le psychiatre détient cet élément. Lors de son interrogatoire, Valentin explique que lui est Franck ont sifflé une dizaine de demis de bière chacun ce soir-là, avant de décider, à court d’argent, d’aller chez Serge. Auparavant, comme souvent selon ses dires, Franck s’était une fois de plus « plaint » des sévices infligés à sa mère par son beau-père. Comme la mère de Valentin qui a par la suite corrigé son propre beau-père. C’est dans cet état d’esprit que l’emballement de violence se serait produit.
Sauf que Franck nie toute implication personnelle. Il aurait au contraire « tout tenté » pour protéger Serge de la violence des coups portés par Valentin. Jusqu’à feindre de lui donner des coups de pied… avant de quitter les lieux, laissant Valentin à ses œuvres. « Après avoir donné vos petits coups vous partez et laissez l’autre continuer », commente le président Plantier, qui commence à s’agacer des revirements et dénégations de plus en plus énormes de Lachat. Le garçon ne perçoit pas l’ironie. Le président lui tend la perche : « chez Rudent, il y a des choses qui ne collent pas mais vous, on a l’impression que vous fabriquez quelque chose ! » Il ne la saisit pas, réfutant des pans entiers du contenu de ses auditions. « J’étais pas en émotion de m’expliquer. Là, ça fait trois ans que j’y repense », explique le jeune homme qui estime parfaitement « assumer » sa part tandis que Valentin Rudent, qui n’a jamais varié dans ses déclarations, refuserait d’endosser pleinement son rôle, c’est-à-dire toute la responsabilité. Et ne se souvient de quasiment rien : « j’étais alcoolisé. Il faisait nuit. Ça pouvait être noir ou blanc. »
Tant la cour, la partie civile que l’avocate générale, Julie Bressand, se cassent les dents, trois heures durant, sur les dénégations du jeune homme. Il n’y a rien à faire : Valentin l’a obligé à boire, à aller chez Serge, à le frapper, à jeter une chose indéterminée dans l’étang qui pourrait être un téléphone portable et lui a même caché sa mort le lendemain. Enfin, il n’a rien volé. Pour autant, il ne se sent « pas innocent. » « Tu sais que tu vas être condamné, Franck ? » lui demande enfin son avocat, Jean-Michel Vernier. « Et pourquoi ? » Réponse : « parce que je l’ai emmené là-bas… »

http://www.estrepublicain.fr/edition-de-vesoul-haute-saone/2016/04/30/lure-j-ai-tape-tape-je-voulais-qu-il-me-regarde-dans-les-yeux

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