Incarcéré à Nîmes, Philippe G. devait comparaître, lundi, devant le tribunal correctionnel de Nantes, 900 kilomètres plus loin. Mais en raison d'un dysfonctionnement, il s'est défendu, face aux juges, par écran interposé. "Le comble de cette histoire, s'insurge l'avocat du prévenu, Me Rémy Nougier, c'est que le tribunal a été prévenu par l'accusé lui-même, étonné de ne pas avoir été extrait de la prison du Gard", où il est incarcéré depuis décembre 2009 pour diverses escroqueries.
"Si la méthode a déjà été utilisée pour des demandes de remise en liberté ou d'audition, il s'agit d'une première pour une audience sur le fond", nous explique Virginie Valeton, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats. Le recours à ce procédé n'est d'ailleurs pas prévu par le Code de procédure pénale. Seuls les témoins ou les parties civiles peuvent être entendus par visioconférence (article 706 - 76). Et seulement si la défense donne son accord. L'avocat de Philippe G., averti "quelques instants avant le début de l'audience", a "le sentiment d'avoir été mis devant le fait accompli". "Ce procédé déshumanise complètement la justice. On parle dans un micro, on s'interrompt pour voir si la connexion avec le prévenu n'a pas été coupée, c'est surréaliste. Bientôt, la photo du prévenu sera envoyée par fax et l'avocat plaidera par texto", ironise Me Nougier, qui s'interroge sur le respect du droit de la défense. Un avis partagé par la secrétaire nationale de l'USM : "Comment un avocat peut-il, s'il a un doute sur un élément du dossier, interroger son client ? On ne peut pas rendre la justice à travers un écran. L'attitude d'un prévenu, sa voix, sa gestuelle sont importantes. Le juge doit pouvoir cerner la personnalité de l'accusé", nous explique Virginie Valeton, qui met en cause la politique de restriction budgétaire du ministère de la Justice. "On nous incite à utiliser la visioconférence dans le but de diminuer les extractions judiciaires et de réduire le nombre de services de police à mobiliser. Faute de quoi, des juridictions se verraient sanctionner."
Condamné à trois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Nantes, Philippe G. a décidé de faire appel. Il espère assister à son nouveau procès... dans le box des accusés.
http://www.lepoint.fr/societe/incarcere-a-nimes-il-est-juge-a-nantes-en-visioconference-17-09-2010-1237918_23.php
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire