dimanche 9 janvier 2011

L'affaire Bissonnet, un déroutant jeu à trois

Du rarement vu aux assises ! Premier octobre dernier au matin, en pleine audience de l'affaire Bissonnet, l'avocat général Pierre Denier brandit, de manière aussi étonnante qu'opportune, des documents inédits liés à une subornation de témoin. Ils accuseraient Jean-Michel Bissonnet, 63 ans, soupçonné d'être le commanditaire du meurtre de sa femme Bernadette en mars 2008, d'avoir voulu obtenir le faux témoignage d'un codétenu contre Amaury d'Harcourt, qui comparaît pour complicité dans le meurtre. Suspension de séance, reprise et... coup de théâtre ! Les avocats de Jean-Michel Bissonnet, Mes Catala et Darrigade, déstabilisés, se disent "contraints" d'abandonner leur client. En plein procès.


Les débats s'achèvent après seulement cinq jours de procès sur une scène irréelle où Bissonnet, qui reconnaît être l'auteur des documents, clame à ses fils : "Je n'ai pas voulu la mort de maman." Puis il est reconduit en cellule. Alors, pourquoi et comment Bernadette Bissonnet a-t-elle été assassinée de deux coups de fusil à son domicile de Castelnau-le-Lez, près de Montpellier ? Et quelle est la responsabilité de son mari, de leur jardinier Méziane Belkacem et du vicomte Amaury d'Harcourt, les trois protagonistes du procès ?




Personnalité passée au crible




S'il continue de clamer son innocence, Bissonnet se présentera à l'audience avec de nouveaux défenseurs, dont le très expérimenté pénaliste parisien Henri Leclerc. Et sans doute avec un profil opposé à celui d'un notable arrogant et manipulateur que se plaisent à souligner ses adversaires. Pas question, d'ailleurs, cette fois que les accusés soient filmés ou photographiés dans le box, ou de déclarations à la presse avant les débats. Dignité et sobriété seraient les nouvelles consignes prodiguées à Bissonnet, dont le comportement souvent impétueux s'est révélé dramatique pour son image par le passé.




Autre élément nouveau, un rapport d'enquête devrait permettre d'établir si oui ou non le notable montpelliérain s'est livré à une subornation de témoin ou s'il n'a pas été manipulé, et une expertise psychiatrique de mieux cerner sa personnalité. Peut-être. Car si les experts ont conclu que Bissonnet n'est pas fou et qu'il n'a pas non plus le profil d'un assassin, la bataille sera rude autour du caractère complexe du riche retraité décrit comme à la fois très rigide, impulsif, émotif...




Et tandis que certaines dépositions ou des éléments d'enquête sont contradictoires, la cour entend cette fois mener jusqu'au bout la centaine d'auditions de témoins, d'enquêteurs ou d'experts. Pour démêler qui a fait quoi dans l'improbable trio.


Jeu de rôle complexe


Que s'est-il passé le 11 mars 2008 au soir dans la villa où Bernadette Bissonnet a été tuée ? Début de réponse mardi. Les versions s'opposent. Belkacem dit l'avoir tuée de deux coups de fusil à la demande de son mari. Il aurait agi moyennant la promesse d'une somme de 30.000 euros. Il n'a pas varié sur sa position. Tout comme Bissonnet qui clame son innocence depuis le départ. Lui accuse Amaury d'Harcourt et le jardinier d'être complices et d'avoir tué Bernadette, peut-être au cours d'une tentative de vol qui aurait mal tourné ou d'intimidation. Le vicomte, au micro Europe 1, dit, avoir été "manipulé par Bissonnet". Le mari l'aurait utilisé à son insu pour faire pression sur le jardinier en évoquant son appartenance aux services secrets.




Les défenseurs de Bissonnet estiment qu'il n'y a pas de mobile, pas de preuves d'implication et dénoncent une enquête à charge dès le soir du drame. Leur client n'avait pas besoin d'argent, pas de maîtresse, il avait prévu un voyage avec son épouse quelques jours après le meurtre, le couple était décrit par de nombreux proches comme uni, même s'il y avait parfois quelques "engueulades". Quel intérêt avait alors Bissonnet ? Et pourquoi aurait-il monté un scénario aussi mal ficelé pour faire disparaître sa femme, lui qui est décrit comme organisé et méticuleux ? Les conseils de Belkacem expliquent, eux, que lui seul a reconnu les faits, assez vite d'ailleurs. Mais s'il a tué, c'est bien "sur commande de Bissonnet". Et il n'avait pas de raison de l'impliquer plus que d'Harcourt ou inversement, si ce n'est celle de dire la vérité pour soulager sa conscience. Quant au vicomte, il serait victime d'une vieille amitié et impliqué malgré lui dans une affaire avec laquelle il n'a rien à voir. D'autant qu'il ne connaissait par Belkacem. Il aurait juste dissimulé le fusil du meurtre par amitié pour Jean-Michel, le fils qu'il aurait aimé avoir... De quoi s'y perdre dans ce jeu de rôle à trois.


Tensions


Méziane Belkacem, ayant reconnu être l'auteur des deux coups de feu mortels, ne pourra échapper à une condamnation. Mais, pour Bissonnet et d'Harcourt, les peines pourraient être lourdes. Le défenseur du vicomte plaidera son innocence. Henri Leclerc veut, lui aussi, démontrer celle de Bissonnet. Les avocats de ce dernier ont d'ailleurs annoncé qu'ils se constitueraient partie civile. Une astuce de prétoire qui pourrait leur permettre de plaider deux fois, en qualité de partie civile et du côté de la défense. L'initiative agace déjà certains de leurs confrères montpelliérains.




Un autre élément pourrait également être source de tension. La possible évocation d'écoutes communiquées aux parties dans lesquelles figurent des conversations entre le vicomte d'Harcourt et son défenseur. Elles relèvent normalement du secret professionnel entre un avocat et son client. Ce nouveau procès devrait durer un mois.


http://www.lepoint.fr/societe/l-affaire-bissonnet-un-deroutant-jeu-a-trois-09-01-2011-128203_23.php

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