Ses versions ont évolué, varié, au fil de l'instruction. Pourquoi ? Le vicomte Amaury d'Harcourt avait «peur» et «honte». Il avait, confie-il, devant la cour d'assises de l'Hérault, «du mal à accepter sa responsabilité». Tout au long de la journée, l'octogénaire, «père spirituel» de Jean-Michel Bissonnet, son ami de quarante ans, a livré son récit des faits.
Veste à carreaux camel et verte sous laquelle il porte une chemise blanche, pantalon en velours, Amaury d'Harcourt, 85 ans, fines lunettes, s'avance lentement à la barre. Le vicomte comparaît libre et doit répondre de «complicité d'assassinat» pour le meurtre de Bernadette Bissonnet, tuée le 11 mars 2008.
Sa mémoire lui fait parfois défaut, mais elle est encore «précise», selon lui. Dans l'épais dossier Bissonnet, le vicomte a effectué des «déclarations fluctuantes», souligne le président Mocaer qui, comme les avocats de la partie adverse, n'a pas manqué de les relever. Jean-Robert Phung, conseil du frère de la victime résume, ainsi, la situation s'adressant au vicomte : «Vous avez au mieux varié, au pire menti». Le récit de l'octogénaire accuse, comme celui de Méziane Belkacem, Jean-Michel Bissonnet. Mais il est aussi approximatif, laissant, par certains moments, planer le doute sur la véracité de ses propos.
«Pourquoi avoir accepté ? »
Tout commence, selon d'Harcourt, le 11 mars 2008. Ce jour-là, Jean-Michel Bissonnet lui téléphone : «il voulait me voir, il avait un service à me demander». Le vicomte quitte son domicile, dans l'Yonne, pour le rejoindre. Jean-Michel Bissonnet est à ses yeux, «le fils qu'il aurait aimé avoir». Il se présente au 2, rue de la Grenouillère, à Castelnau-le-Lez, «entre 15 et 16 heures». Les deux amis, qui se voient quatre à cinq fois par an, discutent un moment puis partent en voiture, en direction d'un grand magasin. Un déplacement à l'«initiative de Bissonnet», pour acheter une «veste polaire». «Il faisait froid chez mon ami chez qui je dormais, ma veste avait brûlé», justifie tant bien que mal le vicomte.
Plus tard, pressé par Me Phung, il concède que cet achat n'était en fait qu'un prétexte pour «retourner, le soir, au domicile de Bissonnet». Dans le scénario tel que décrit la veille par Méziane Belkacem, et élaboré par le mari, le vicomte devait en effet récupérer, après le crime, l'arme dans le Rav 4 de Bernadette Bissonnet, abandonné sur un petit chemin.
Dans la voiture, sur le trajet retour, ce 11 mars, Jean-Michel Bissonnet lui confie son dessein meurtrier. «Il m'a dit "tu sais, j'ai pris une décision très grave. J'ai pris la décision de demander à Belkacem-le laveur de vitres du couple- de commettre le meurtre de ma femme"». «J'ai eu un choc violent», «j'ai été surpris», raconte d'Harcourt, sans émotion particulière.
«Est-ce que vous avez tenté de l'en dissuader ?», interroge le juge.
- Oui en parlant du divorce (...) Mais il était tellement attaché à sa maison qu'il a dit «si je divorce, je serai obligé de la vendre».
- Pourquoi avoir accepté ?
- Je ne sais pas... Tout est allé tellement vite, je n'ai pas eu le temps de la réflexion et puis j'ai toujours eu confiance en lui.
- Pourquoi ne pas avoir refusé ?
- Je ne sais pas et je le regrette.»
Aucune contrepartie financière
A leur retour, Bissonnet présente Belkacem à d'Harcourt. Les trois hommes se retrouvent dans le salon. Il aurait dit à Belkacem, en désignant le vieil homme, «il sera responsable de tes actes». Selon le vicomte c'était pour l'«impressionner». Amaury d'Harcourt se souvient ensuite avoir entendu Belkacem demander 5.000 euros à Bissonnet pour s'acheter une voiture. Bissonnet lui a répondu «on verra plus tard». Belkacem avait l'air fâché et il est sorti dans le jardin. Lors de son témoignage devant la cour, mercredi, le jardinier a réfuté avoir demandé cette somme.
Tous trois se retrouvent ensuite dans le garage. Jean-Michel Bissonnet prend soin de leur remettre des «gants en plastique». Puis il sort une arme au canon et à la crosse, sciés. Il montre ensuite à son employé comment l'utiliser. Le vicomte de son côté, reconnaît «avoir montré le plexus», au laveur de carreaux. «Vous avez conscience qu'en montrant où il fallait tirer, vous engagez davantage votre responsabilité ?», demande le président. «Oui», lâche-t-il.
Lors de cette discussion, il n'est, d'après d'Harcourt, à aucun moment question d'argent. Il assure avoir agi par «amitié», sans contrepartie financière. Pourtant, quelques temps plus tôt, Jean-Michel Bissonnet lui avait avancé 15.000 euros.
C'est au moment de quitter la maison que d'Harcourt apprend sa mission : «l'arme que tu as vu, elle sera dans un étui de raquette à l'avant de la voiture de Bernadette», lui lance son ami. Comme convenu, le vicomte a dissimulé l'arme. «Je suis descendu jusqu'au Lez, j'ai ouvert la fermeture éclair de la raquette et j'ai laissé tombé le fusil qui était en deux parties». Le président fait remarquer que le vicomte avait, lors de l'instruction, déclaré ne pas savoir ce que contenait l'étui.
«Les deux peuvent mentir»
Le lendemain du crime, Bissonnet appelle d'Harcourt pour qu'il se retrouvent dans un café, à Montpellier. Le vicomte décrit un «mari éploré», «il était malheureux, il pleurait, il disait que toute sa vie s'écroulait». Les amis se séparent et chacun vaque à ses occupations d'Harcourt, lui, part acheter un pantalon de gardian à Aigues-Mortes. L'avocat général s'en étonne «vous êtes sous le choc (de la mort de Bernadette Bissonnet ndlr) et vous continuez votre journée comme si de rien n'était ?». «Il y avait un conflit en moi entre l'amitié, ce que je devais faire, c'était le chaos», se justifie-t-il. Les deux hommes se reverront à Paris, huit jours plus tard. Ce soir-là, «il a revécu son passé. Il faisait l'éloge de sa femme, de leur bonheur», raconte d'Harcourt. «Ne vous êtes vous pas concertés avec Jean-Michel Bissonnet sachant que les choses avaient mal tournées ?», demande Me Phung. «Non», répond le vicomte.
«Je crois que votre vérité n'est pas totale», constate Me Luc Abratkiewicz. Illustration de cette affirmation, quelques temps plus tard, Me Henri Leclerc fait remarquer que Méziane Belkacem avait déclaré avoir emporté sa veste avec lui, et s'en être débarrassé dans une poubelle. Or le vicomte déclare l'avoir remarquée sur le siège de la Rav 4. «Il ment», assure Belkacem. «S'il y en a un des deux qui ment, les deux peuvent mentir, nous irons plus loin demain», clame Me Leclerc. Jean-Michel Bissonnet doit témoigner aujourd'hui.
http://www.francesoir.fr/faits-divers-justice/proces-bissonnet-le-temoignage-approximatif-damaury-dharcourt.87235
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