dimanche 13 février 2011

Ce qui a perdu Bissonnet

Cela n'a pas suffit. Plus de deux ans d'instruction, deux équipes d'avocats chevronnés, et vingt-trois journées d'audience n'ont pas permis à Jean-Michel Bissonnet de convaincre les jurés de son innocence, dans l'assassinat de son épouse Bernadette, le 11 mars 2008 à Castelnau-le-Lez.


Jamais au cours des cinq semaines du procès, l'homme d'affaires montpelliérain n'est parvenu à remettre en cause l'équation de base de l'accusation, en expliquant pourquoi et comment deux hommes qui ne se connaissaient pas, Amaury D'Harcourt et Meziane Belkacem, se seraient mis d'accord pour tuer une femme qui ne leur avait rien fait. Au contraire : le calme et l'assurance de ses deux co-accusés qui ont présenté une version cohérente et constante des faits, ont


contrasté tout au long du procès avec les explications et les hypothèses embrouillées de Jean-Michel Bissonnet, finalement condamné à trente ans de réclusion criminelle.


Au delà de la question du mobile, le procès a sans doute basculé sur plusieurs moments clés. On s'attendait à voir les gendarmes, accusés d'avoir mené une enquête à charge, se faire laminer à l'audience. Il n'en a rien été, les avocats de l'accusé n'ayant ni la pugnacité, ni de véritables arguments pour les déstabiliser.


Les données téléphoniques ont joué un rôle majeur


De mêmes les écoutes téléphoniques censées jouer en sa faveur se sont plutôt retournées contre lui. Ainsi le 14 janvier, le président Mocaer fait entendre l'appel téléphonique de Jean-Michel Bissonnet, qui vient de découvrir le corps de Bernadette dans leur villa. Apparait alors l'incroyable complexité psychologique du personnage, qui tout en hurlant sa douleur avec des accents bouleversants, est en train d'effectuer des gestes aussi précis qu'incompréhensibles : effacer les traces de sang laissées par Belkacem; éteindre la télé; monter le chien Pit à l'étage...


Autre conversation fatale : celle qu'il tient deux jours après les obsèques de Bernadette avec un cousin de cette dernière, qui est aussi informaticien : Bissonnet lui demande d'abord des conseils pour programmer une augmentation de prix, avant de lui annoncer l'assassinat. Le propos laisse pantois, l'effet est dévastateur.


Les données téléphoniques ont d'ailleurs joué un rôle majeur. Jean-Michel Bissonnet a peiné à expliquer pourquoi il a effacé, le jour du crime, le numéro de Meziane Belkacem de son iphone, et pourquoi, quand sa belle-soeur le lui a fourni, il a tant tardé à le communiquer aux gendarmes. L'étude de ses communications après le crime souligne le comportement d'un homme qui fait très vite part de ses soupçons envers Belkacem, mais qui fait tout pour retarder le moment où les gendarmes pourront le contacter, tout en envoyant d'Harcourt à sa recherche. Enfin, il est resté sans voix quand le président a réussi à prouver qu'il avait bien contacté d'Harcourt pendant cinq minutes deux jours avant le crime, depuis un restaurant où il déjeunait avec Bernadette, alors qu'il avait catégoriquement nié auparavant un tel contact.


Il s'est privé de son meilleur allié pour le procès : le doute


Dernier élément déterminant : la lecture des courriers saisis en prison, qui visaient à établir un faux témoignage en sa faveur, a eu un effet miroir dévastateur, dressant le portrait d'un homme minutieux, manipulateur, animé par la haine d'autrui et le désir de vengeance. Une image que son comportement pendant l'audience aura sans doute renforcée. Car ses coups de colère face à ses contradicteurs, ses explosions de rage lorsqu'il se trouvait mis en difficulté sont régulièrement venus souligner ces traits de caractère diffus. D'autant qu'à aucun moment, il n'aura montré la moindre animosité envers ces deux co-accusés, responsables de la mort de sa femme, et de son incarcération.


Enfin, au cours de l'instruction, Jean-Michel Bissonnet a ouvert les mâchoires d'un piège judiciaire qui s'est refermé sur lui-même au procès. Car en multipliant les demandes d'actes, pour chercher des preuves de son innocence, en obligeant les juges à suivre la piste du complot entre d'Harcourt et Belkacem, il a petit à petit fait éclairer toutes les zones d'ombres qui planaient dans le dossier. Et s'est privé du même coup de celui qui devait être son meilleur allié à l'audience : le doute.


http://www.midilibre.com/articles/2011/02/12/A-LA-UNE-Ce-qui-a-perdu-Bissonnet-1536526.php5

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