jeudi 24 mars 2011

Toul: père infanticide aux assises

L’officier de police, directeur d’enquête, emmène les huit femmes et le seul homme du jury dans ses souvenirs pour guider leur visite dans ce quartier pavillonnaire à Toul. Un pavillon qu’il a lui-même parcouru le 3 octobre 2008 vers 1 h 50 pour trouver Alexis, 14 ans, et Rémi, 11 ans, tués d’une décharge de chevrotine chacun dans sa chambre. Le Samu concentre ses efforts sur eux et leur père, Alain Wegerlé, 48 ans, grièvement atteint par du plomb. Celui qu’il s’est tiré dans le thorax et l’abdomen pour se suicider. Depuis hier il est dans le box, accusé du double meurtre de ses fils, débattu au cours de quatre jours d’un procès présidé par Marie-Cécile Thouzeau.
«Je suis toujours coupable de ce que j’ai fait », confirme Alain Wegerlé du haut de son 1,82m. Vêtu de sombre comme son ex-épouse, Isabelle, assise sur le banc de la partie civile, soutenue par Me Hélène Strohmann, qu’il ne regarde pas, ces mots sont parmi les rares qu’il a prononcés depuis l’ouverture de l’audience. On raconte l’histoire pour lui. Et l’enquêteur de poursuivre par la découverte de mails sur l’écran de l’ordinateur laissé branché et de messages rédigés par l’accusé « pour tout le monde ». Il y détaille l’ordre des meurtres jusqu’à son suicide. Il y en a jusqu’à la cave de la maison où Alain Wegerlé a débusqué ses deux fusils que la mère des enfants avait cachés. «Je n’ai mis qu’un quart d’heure à les trouver ». C’est avec un troisième qu’il a fait feu. Une arme ayant appartenu à son défunt père et qu’il est allé chercher au domicile de sa mère. A priori dans les jours précédents le drame, entre une ultime dispute avec Isabelle, le 25 septembre 2008, et l’exécution de son funeste projet.
Le soupçon d’une infidélité de sa femme, mais surtout la volonté de cette dernière de se séparer l’auraient poussé à l’action. « Isabelle a décidé de rompre. Pourtant je l’aime plus que tout au monde et je ne tiens pas non plus à ce que les enfants en souffrent. Pardon à tous, c’est si brusque je sais, mais à mon avis c’est la solution. Adieu à tous ...», laisse-t-il à lire avant de retourner le fusil contre lui. « Nous n’avons rien vu venir », « c’est un choc total » disent les témoins entendus par l’enquêtrice de personnalité dépeignant un homme « discret » sur ses difficultés familiales.
Il est aussi très troublant qu’il déclare parallèlement avoir voulu, à travers cet infanticide, punir sa femme. « Je voulais qu’elle reste seule pour être malheureuse comme on l’avait été », a déclaré l’accusé au Dr Bertrand Courtial. « Ce n’est pas un coup de sang cette affaire ?», demande l’avocat général Jacques Santarelli à l’expert psychiatre. « Non, ça s’élabore progressivement » au point de « se sentir submergé par une violence répondant à une blessure narcissique insupportable » et qui a partiellement altéré le discernement. Alain Wegerlé a voulu reprendre la maîtrise des choses. « Ça occulte complètement la personnalité et le lien à ses enfants, comme s’ils n’existaient pas en tant que personne propre », ajoute le spécialiste surpris par « un détachement et une froideur impressionnants » de l’accusé à l’évocation des faits.
Un double meurtre que le psychologue Stéphane Germain inscrit dans une image simple. Celle du tableau d’une vie idéale dont la rupture a modifié la rigidité et provoqué l’effondrement du père de famille dont la défense s’avère difficile pour Me Desmet. Son client encourt la perpétuité.
http://www.estrepublicain.fr/fr/lorraine/info/4817354-Toul-pere-infanticide-aux-assises

Aucun commentaire: