jeudi 26 mai 2011

Procès Colonna: en attendant Alessandri

Ce mercredi, la cour d'assises entendait Joseph Versini. Cet exploitant agricole de 53 ans avait été condamné à 15 ans de réclusion pour complicité dans l'assassinat et a été mis en liberté conditionnelle en août 2008. Il avait mis en cause Yvan Colonna lors de sa garde à vue en mai 1999, et ne s'était rétracté qu'à son procès, en 2003.

Un deuxième membre du commando a évoqué la "rumeur" faisant passer Yvan Colonna pour un "indic". L'accusation dément. La cour attend.

Le métier d'avocat a ceci de commun avec la profession de maréchal-ferrant qu'il consiste à battre le fer tant qu'il est chaud. Les conseils d'Yvan Colonna, jugé pour l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac, en 1998, ont cherché ce mercredi à profiter du revirement esquissé, mardi après-midi, par leur client. Mais le métal, brûlant hier soir, semblait plutôt tiède à la fin de cette journée harassante.
Résumons. Hier, Alain Ferrandi, l'un des membres du commando, condamné à la perpétuité en 2003, était entendu comme témoin. Il confiait - pour la première fois depuis son arrestation il y a douze ans - qu'il avait soupçonné Yvan Colonna d'être l'informateur du préfet Bonnet. Voilà pourquoi, laisse-t-il entendre, certains membres du groupe ne l'ont pas disculpé plus tôt et plus clairement.
Ce mercredi, la cour d'assises entendait Joseph Versini, son exact contraire. Le public a encore en mémoire l'image de la veille au soir. Alain Ferrandi, bloc de muscles et de conviction, expliquait pourquoi son idéal de pureté l'avait amené à envisager de sacrifier un père de famille, le préfet Erignac, pour toucher le symbole de l'Etat.
A 9h30, entre le filiforme Versini. Il dépose son sac près de l'huissier. Son visage impassible ressemble à ceux, mystérieux, des statues de l'île de Pâques. Les mots ne lui viennent pas aussi facilement. Ou lorsqu'ils sortent de sa bouche, ils ressemblent à ces pièces de monnaie glissant d'une poche de pantalon. Versini passe son temps à essayer de les rattraper mais ils lui échappent, rebondissant en tous sens.
Ce nationaliste fut un membre du groupe clandestin dit des "Anonymes". Il participa à ce titre à l'attaque d'une gendarmerie, à Pietrosella (Corse-du-Sud), où a été dérobé le pistolet ayant servi pour l'assassinat. Mais, quand il s'est agi d'augmenter le niveau de violence, c'est-à-dire d'abattre, au sens propre, "un symbole" de l'Etat français, Versini fut apparemment le seul à refuser de participer au meurtre. "Solidaire" du groupe mais "incapable de tuer un homme". Le soir du meurtre, le 6 février 1998 (on donnait du Schubert au théâtre où se rendait le préfet Erignac avec son épouse Dominique), il resta dans son exploitation agricole, dans la montagne. Une attitude qui lui a valu d'être moins lourdement condamné que les autres membres du commando (15 ans de réclusion). Joseph Versini déposait donc libre, à la barre.
Ce fut une audition plus filandreuse que celle de Ferrandi, la veille. Mais malgré leur dissemblance de style, les deux dépositions se rejoignent sur un point. Ces deux témoins assurent que, pendant la période de l'instruction, c'est-à-dire après les gardes à vue de mai 1999, ils pensaient que leur ami Yvan Colonna pouvait être l'indic du préfet Bonnet. A son tour, Versini donne sa version. Il aurait appris cette "rumeur" d'un "co-détenu croisé en prison", dont il ne connaît, dit-il, pas le nom. "Il m'a dit qu'un juge a laissé entendre que Colonna allait souvent en préfecture et que c'était l'informateur de Bonnet", lâche-t-il.

- "Pourquoi le révéler aujourd'hui?", lui demande logiquement le président Hervé Stephan.

- "Parce que c'est la dernière chance d'aller au bout de ce qu'on sait", répond le témoin.

L'un des avocats de la partie civile, Me Vincent Courcelle Labrousse, fait alors valoir qu'"en 2009, ce devait déjà être le procès de la dernière chance [le procès d'appel avait finalement été cassé]." Et que Versini n'avait rien dit... L'avocate générale, Annie Grenier, s'escrime, elle, à déminer la rumeur, assurant que les investigations policières lui ont tordu le cou.

De ce fait, on en revient presque à la case départ, à ces fameuses gardes à vue déterminantes pour l'avenir judiciaire d'Yvan Colonna, qui clame son innocence. Didier Maranelli, le premier à avoir craqué devant les policiers, ne s'engage pas sur le terrain de la rumeur. Lui s'en tient à sa position lors des deux premiers procès d'Yvan Colonna, en 2007 et en 2009: il n'aurait fait que "valider" un scénario policier, exact sur bien des points, mais faux en ce qui concerne Colonna, totalement étranger à l'affaire. "J'ai littéralement perdu pied, explique le nationaliste. J'ai eu peur pour ma compagne", qui se trouvait en garde à vue et risquait une mise en examen pour complicité. Il s'en tiendra là, refusant de saisir les perches tendues par la défense d'Yvan Colonna qui l'implore de préciser les détails opérationnels de l'action dès lors que Colonna n'y est plus associé.

Comme disait l'agent spécial Fox Mulder, dans X Files, "la vérité est ailleurs". La lumière viendra-t-elle d'un autre membre du commando? Pierre Alessandri, l'ami intime d'Yvan Colonna, s'accuse d'être le tireur. Il doit être entendu ce jeudi.
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/proces-colonna-en-attendant-alessandri_996644.html

Aucun commentaire: