vendredi 17 février 2012

La rumeur a-t-elle armé le bras meurtrier ?

Elle prend sa respiration. Et se lance. Mais impossible de refréner un flot de sanglots à l’évocation de la naissance de sa fille. Lui, assis dans le box des accusés, baisse invariablement les yeux. Comme pour ne pas toucher du regard la détresse de son épouse. Qui tente de raconter cette nuit-là. Cette tragique nuit du 13 au 14 juillet 2008 durant laquelle Frédéric Badet a perdu la vie, frappé à trois reprises par le couteau tenu par son mari, Charles Beau, qui répond de meurtre, en appel, devant la cour d’assises de la Côte-d’Or (notre édition d’hier).
Le président Theurey le lui demande bien, mais impossible pour elle de trouver une explication au passage à l’acte du père de sa fille.
En face, pour la partie civile, M e Bertholde l’amène à raconter comment son époux lui a avoué l’altercation avec la victime, comment il s’est débarrassé du couteau, jamais retrouvé, et de ses chaussures en les jetant en bordure d’autoroute après avoir appris le décès de Frédéric Badet. Dont elle compatit à la douleur de sa famille, réunie là, digne, au premier rang. « Vous êtes la seule personne qui ait un trait d’humanité », abonde M e Ceccaldi, le conseil de la mère du défunt. Le ténor du barreau de Paris reprend : « Pensez-vous que ce qui a été dit sur Frédéric Badet a pu influer sur sa manière d’agir à son égard ? » « Peut-être, pour protéger sa femme et son fils. » Conclusion du défenseur de Laurent Gbagbo et du défunt guide libyen : « Ceux qui ont armé le bras de votre mari sont ceux qui, pendant neuf ans, ont propagé des rumeurs sur Frédéric Badet. »

« Badet, j’y pense tout le temps »

La rumeur, cette tueuse ? Les experts évoquent « un contexte social favorisant le passage à l’acte ». « À Vezet, tout le monde disait que c’était lui, j’étais amené à le penser », abonde l’accusé. Ici, dans ce petit village de 180 habitants, la vie semble, à écouter les témoins, avoir retrouvé une certaine sérénité depuis la disparition de la victime, un jeune homme de 35 ans, au quotient intellectuel très limité, au lourd passé judiciaire et accusé de tous les maux.
Difficile, a contrario, de trouver quoi que ce soit sur le profil psychologique de Charles Beau, un artisan électricien, jeune père de famille modèle. Le président en convient : « Ça, ce n’est pas vous. » « Le sentiment de peur lié à ce sentiment d’insécurité ambiant peut faire émerger des actions non réfléchies », analyse le Dr Claden, psychiatre. Sa collègue psychologue, interrogée par M e Pichoff, assurant les intérêts de l’accusé, va plus loin. Ainsi, évoquant l’action de s’équiper d’un couteau pour aller voir ce qui se passait dans la cabane de jardin du voisin, où de la lumière a été perçue en pleine nuit, la praticienne indique : « Il est allé vérifier si la rumeur publique était vraie ou fausse avec l’objectif de mettre sa famille en sécurité. »
M e Ceccaldi, lui, veut faire émerger la réalité dont il veut convaincre les jurés : « Vous y êtes allé tout en sachant que c’était Frédéric Badet. ».L’intention de tuer, toute la thèse de l’accusation. Ainsi qu’il l’a fait la veille avec les témoins, notamment le directeur d’enquête dont il a mis en cause l’impartialité, M e Ceccaldi déstabilise totalement l’accusé. Amorçant une thèse qui sera peut-être la sienne ce matin lors de sa plaidoirie : que le corps ait pu être déplacé afin d’être placé là où on l’a retrouvé, dans la propriété familiale, hors des regards. Comment Charles Beau pouvait-il avoir connaissance de l’absence de ses parents ? L’électricien explose en sanglots. « C’est n’importe quoi ! » Badet ? « J’y pense tout le temps, je n’avais rien contre lui. Je n’ai jamais voulu le tuer. » De la légitime défense, a introduit hier M e Schwerdorffer, l’un de ses deux avocats. Verdict ce soir.
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