La tâche n’était pourtant pas si simple pour l’accusation. Car durant les trois jours qu’ont duré les débats, l’allure juvénile du trio d’accusés et le parcours chaotique de chacun a monopolisé la plus grande partie de l’attention des jurés. Occultant presque l’« acte de torture et de barbarie » dont ils sont les auteurs.
Instrument de la vengeance
En février 2011, à l’issue d’une nuit de beuverie, ils s’en sont pris à un marginal d’une cinquantaine d’années qui souffre de schizophrénie. « Ils considéraient leur victime comme étant le « gogol », le « beubeu », le « triso » de Mirecourt. C’était celui chez qui on va boire et que l’on cogne à la fin de la soirée », attaque la substitut qui s’indigne : « d’humiliations en humiliations, ils ont fini par oublier qu’il n’était pas un sous-homme mais un être humain comme les autres ».Le soir des faits, ils ont dépassé toutes les limites. Ils lui ont donné des claques et des coups de pieds. Puis deux des accusés l’ont saisi par les jambes tandis que le troisième le sodomisait avec le manche d’une fourchette. « Ils ont voulu le faire souffrir intensément », souligne la substitut.
Pourquoi un tel déferlement de haine ? Les trois jeunes tortionnaires ont expliqué durant leur procès que la victime leur aurait confessé avoir violé un « petit jeune » par le passé. Cela leur aurait fait « péter les plombs ». Surtout ceux de Donovan Grégoire, 23 ans, qui a été la proie d’un pédophile durant son enfance.
C’est lui d’ailleurs qui s’est saisi de la fourchette. « La victime a été l’instrument d’une vengeance qui ne la concernait pas. Elle a aussi été un défouloir pour les deux autres accusés. Est-ce que l’on peut tolérer cela ? », s’emballe la substitut du procureur. Avant de requérir 7 ans de prison contre Donovan Grégoire et 5 ans de prison contre les deux autres accusés, Marcel Monthéard et Yannick Rohé.
Le procès de l’alcool
Les trois avocats de la défense se succèdent ensuite à la barre et mettent en avant les circonstances atténuantes dont peuvent bénéficier leurs clients respectifs. Et ils en ont à faire valoir. A commencer, bien sûr, par Donovan Grégoire, victime d’un prédateur sexuel qui a abusé de lui sous la menace d’un couteau lorsqu’il avait 11 ans. Son violeur a été condamné à 12 ans de réclusion mais cela n’a pas effacé le traumatisme. « Personne n’a su l’aider et les abus sexuels ont eu un effet ravageur sur sa personnalité », estime son avocate, M e Pauline Brion.Sans être aussi traumatisant, le passé des deux autres accusés n’est pas non plus un conte de fées. Eux aussi sont des « accidentés de la vie », selon l’expression de M e Sébastien Bonnet, défenseur de Marcel Monthéard. « Ils ont tous le même parcours : une famille plus ou moins absente, une déscolarisation très tôt et beaucoup de désœuvrement », poursuit l’avocat qui n’hésite pas à citer Zola pour planter le décor de « misère » et de « pauvreté intellectuelle » dans lequel évoluent tous les protagonistes de ce dossier glauque.
Sa consœur, M e Sonia Akue, insiste sur un autre ingrédient clé de l’affaire : la boisson. Les trois jeunes étaient en effet passablement éméchés (tout comme leur victime) au moment de la séance de torture. « L’alcool est le coaccusé de ce procès. C’est le compagnon des désœuvrés, des faibles et des paumés. C’était le meilleur ami des accusés mais aussi leur pire ennemi », plaide M e Akue. A jeun, les trois tortionnaires ont effectivement l’air totalement inoffensifs. « Ils ont honte de ce qu’ils ont fait », insiste Me Brion en montrant, d’un geste, le trio, prostré dans le box.
Les jurés ont néanmoins suivi les réquisitions de la substitut du procureur.
http://www.estrepublicain.fr/actualite/2012/06/26/7-et-5-ans-pour-les-tortionnaires
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