Une épidémie de légionellose sans
précédent, qui avait fait 83 victimes, dont 14 morts, fin 2003-début 2004 dans
le Pas-de-Calais, sera au centre d'un procès de dix jours qui s'ouvre lundi
devant le tribunal
correctionnel de Béthune. L'épidémie s'était propagée en deux vagues, de
novembre 2003 à janvier 2004, dans l'ancien bassin minier lensois autour de
l'usine pétrochimique Noroxo, à Harnes, seule source de contamination
clairement identifiée et démantelée depuis par son propriétaire, le groupe
américain ExxonMobil.
Sur le banc des prévenus figurent la société Noroxo, son
directeur général de l'époque et la société GE Water & Process
Technologies, chargée du traitement de l'eau sur le site. Ils répondent
d'homicides et blessures involontaires par non-respect d'une obligation de
sécurité: un arrêté préfectoral du 17 décembre 2001 imposant à l'exploitant la
fermeture du système de refroidissement en cas d'une concentration en bactéries
légionelles supérieure à 100.000 Unités formant colonies par litre (UFC/l). Or,
Noroxo -qui conteste la légalité de ce texte- avait privilégié la poursuite de
l'activité et choisi un traitement biocide pour désinfecter ses deux tours
aéroréfrigérantes, malgré des prélèvements révélant en octobre 2003 des
concentrations plus de sept fois supérieures au seuil autorisé (730.000 UFC/l).
Ce n'est que sur injonction de la préfecture que l'usine avait finalement fermé
en décembre 2003 pour nettoyage des tours.
"Neuf ans que nous nous battons"
Une nouvelle fermeture était intervenue en janvier 2004 en
raison d'une réapparition de la maladie, probablement à la suite des opérations
de nettoyage, réalisées par une société non spécialisée à l'air libre et sans
protection, selon la justice. GE Water
& Process Technologies, qui avait supervisé cet assainissement, aurait pour
sa part failli à sa mission de conseil en n'alertant pas Noroxo sur le
nécessaire arrêt de ses installations.
"Cela fait neuf ans que nous souffrons et que nous nous
battons. Nous ne pouvons pas admettre qu'on nous ait tué les nôtres ou qu'on
les ait rendus victimes de cette maladie", a déploré Martine Delaby, la veuve
d'une des victimes. "Ce drame aurait pu être évité. Nous ne sommes pas victimes
par accident". Les deux sociétés encourent jusqu'à 375.000 euros d'amende,
selon le parquet de Béthune. L'ancien dirigeant de Noroxo risque 5 ans
d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende. Un porte-parole de Noroxo n'a pas
souhaité faire de commentaire avant le jugement.
Le dossier, où 86 victimes et 18 morts avaient initialement été
recensés, compte plus de 80 parties civiles. La plupart ont déjà été
indemnisées par la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions
(CIVI). La légionellose est une infection pulmonaire grave, mais non
contagieuse, provoquée par une bactérie qui prolifère dans l'eau tiède ou
chaude. La contamination se fait par inhalation de micro-gouttelettes d'eau
contaminées provenant généralement des systèmes de refroidissement par voie
humide et des réseaux d'eau. Les audiences sont programmées tous les après-midi
jusqu'au 21 décembre, et le jugement devrait être mis en délibéré.
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