dimanche 10 mars 2013

Vendangeur pendu. Les 8 énigmes de l’affaire

Le procès du vendangeur pendu s’ouvre pour trois semaines devant la cour d’assises, ce lundi à Angers. Pour la justice et pour la famille de la victime, l’occasion de répondre à des questions non résolues.
Quand l’affaire a-t-elle démarré ?
C’était le matin du 19 octobre 2008. À son arrivée, Emmanuel Barré, à l’époque ouvrier viticole, découvre le corps d’Aurélien Pioger, sous un appentis de vigneron, à Saint-Lambert-du-Lattay. Les gendarmes décèlent des anomalies : en particulier, la faible hauteur de la potence, mais aussi l’état de la victime, au visage tuméfié et dont le corps portait des traces de coups.
Pourquoi un tel déchaînement de violence ?
Séquestré, roué de coups, humilié pendant 24 heures à la suite d’une nuit arrosée, Aurélien a vécu un enfer avant de mourir. Pourquoi ? Certainement pour un motif futile. On évoque d’anciens différends, dont un vol supposé de stupéfiants et un litige sur la propriété de son camion. Ce dernier qu’il avait entièrement payé et aménagé avec l’aide d’un protagoniste. Dans ce contexte un peu sensible, la relation sexuelle d’Aurélien avec une fille du groupe, déjà en couple avec un autre membre, a servi de catalyseur. En particulier pour les trois autres hommes, des routards, qui se sont déchaînés gratuitement, dans un esprit de justice privée.
Pourquoi personne n’a alerté les secours ?
Les filles du groupe ont assisté à cette pluie de coups et d’humiliations sans broncher. On peut imaginer qu’elles adhéraient à cette pseudo-vengeance morale. L’une d’elles a d’ailleurs certainement lancé les hostilités en alertant tout le monde et en réveillant les trois hommes auteurs des violences. L’autre explication provient d’un sentiment de crainte inspiré par les agresseurs. Ce phénomène de groupe a touché quatre à cinq personnes.
Suicide ou meurtre ?
C’est une des principales questions de cette affaire. Elle a occupé l’essentiel des débats au cours de l’instruction. À coups d’expertises, de contre-expertises, chaque camp a avancé ses arguments. La thèse du suicide a perdu progressivement du crédit face aux incohérences. Comment Aurélien, abandonné en pleine nuit dans un champ qu’il ne connaissait pas, aurait-il pu parcourir les 150 m séparant son camion de l’appentis où son corps a été retrouvé sans vie ? Sans ses lunettes alors que sa vue était largement défaillante ? Comment aurait-il pu se pendre avec une rallonge électrique et finir avec les pieds touchant le sol ? Un ultime rapport d’expertise médico-légale conclut à une mort par strangulation, antérieure à la pendaison. Ce serait donc une mise en scène macabre.
Qui a mis fin aux jours d’Aurélien ?
Puisque l’enquête conclut au meurtre, reste à connaître le nom du meurtrier. En plus des trois vendangeurs reconnaissant des violences, la fille du viticulteur de La Jumellière est, elle aussi, soupçonnée. Elle a participé avec eux au convoi de deux véhicules ayant acheminé le corps dans le champ de Saint-Lambert-du-Lattay. Mais le meurtre a aussi pu être commis par une personne revenue sur les lieux après cette expédition.
Qui connaissait le lieu où le corps a été retrouvé ?
C’est un mystère. Le viticulteur qui les employait possède quelques rangs de vignes sur des terrains à proximité du moulin. Les vendangeurs y avaient-ils effectué la cueillette ? Il reste que l’on n’accède pas à cet endroit, situé à près de 7 km de leur campement et particulièrement isolé, par hasard. Pour s’y rendre de nuit, il faut avoir une très bonne connaissance du secteur…
Pourquoi l’enquête a-t-elle eu tant de mal à démarrer ?
La procédure laisse apparaître quelques curiosités. Alors que les gendarmes doutent de l’hypothèse du suicide dès la découverte du corps d’Aurélien, le parquet d’Angers décide d’ouvrir une enquête préliminaire, pas une information judiciaire, pourtant obligatoire en matière criminelle. Cette forme d’enquête est maintenue pendant un mois et dix jours. Avant d’atterrir sur le bureau de trois juges d’instruction. Entre-temps, des pièces importantes pour l’enquête comme le camion de la victime, pourtant une des scènes de crime, ont disparu. Il faut attendre encore trois mois pour voir les principaux protagonistes interpellés, début mars 2009. Pendant ce temps, ils ont tout le loisir d’accorder leurs versions.
Pendant le procès, combien de temps le mur du silence tiendra-t-il ?
Le procès qui démarre lundi s’étalera sur trois semaines. C’est long pour les huit accusés, de 26 à 48 ans, qui n’ont pas tous les mêmes intérêts. La thèse du meurtre ayant été retenue lors de l’instruction, on peut imaginer que tous n’ont pas le même degré d’implication. Et qu’ils n’auront pas la volonté de plonger ensemble, juste pour couvrir l’un des leurs jusqu’au bout. Les débats devraient être sous haute tension. Il semble que les hostilités aient démarré avant l’ouverture de l’audience : désormais réunis dans la maison d’arrêt d’Angers, les protagonistes s’épient. Ambiance.
 

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