vendredi 6 décembre 2013

Génèse d’un huis clos meurtrier

C’est un des rituels de la cour d’assises : demander, lorsque s’ouvrent les débats, la position de l’accusé sur les faits qui lui sont reprochés. Jeudi matin, la réponse donnée par Mohammed Moulai Hacène, en détention provisoire depuis le 3 décembre 2010 et qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre de sa femme Lahouaria Lahi, a largement décontenancé l’assistance : « Je ne suis pas au courant. » « Mais alors, c’est vous ou ce n’est pas vous ? », a doucement relancé le président Patrice Bresciani. « Je ne sais pas. »
Un épais brouillard était tombé sur le box. Depuis trois ans et la découverte du corps de Lahouaria Lahi, 26 ans, tout accable cet homme de 37 ans (voir encadré). Lui-même, après des mois de dénégations, avait, le 13 avril 2011, reconnu avoir tué sa femme d’un coup de couteau. « Après, mon cerveau s’est envolé », avait-il abrégé.
Entre ces deux-là, tout avait été très vite. Première rencontre en Algérie, en 2009. Coup de foudre. Mariage en octobre de la même année. La jeune femme revient à Reims. Lui quitte son pays natal et la rejoint en juillet 2010. « Au début, elle n’avait que des choses positives à dire sur lui. Après, ça a été pour elle une série de désillusions », a résumé à la barre une amie proche de Lahouaria.

« Pourquoi tu fais ça ?
Moi, je t’aime »

Le 10 octobre, un épisode violent survient. À l’arrivée de la police, l’époux s’enfuit par la fenêtre. L’épouse, qui dit avoir reçu des coups, ne dépose pas plainte. La jeune femme souhaite une séparation mais, puisque son mari n’a pas encore obtenu de titre de séjour, se serait décidée à poursuivre la cohabitation. « Elle est restée par loyauté ! », assure son amie. Les avocats de la défense, sur le fil de la décence, rappellent qu’elle avait eu plusieurs liaisons et effectué des virées nocturnes à Paris et en Belgique.
Dans l’appartement conjugal où Mohammed dort désormais dans le salon, le huis clos finit de devenir irrespirable : « Plusieurs fois, il se réveillait la nuit et allait lui dire : Mais pourquoi tu fais ça ? Moi, je t’aime. Il pleurait pendant des heures et elle me disait ne pas savoir pas si c’était de la comédie », raconte encore l’amie de la victime. « L’idée de séparation lui était parfaitement intolérable », complétera un psychiatre évoquant « un délire de jalousie ». Quant à cette tentative insensée de camoufler le corps de sa femme, seul un policier a osé émettre une hypothèse : « L’endroit où le corps a été découvert est à ciel ouvert, face à des barres d’immeubles. Là même où habitaient la famille de la victime et aussi son amant. Je me souviens qu’à l’époque, nous avions interprété cela comme un possible message à leur encontre. »
Verdict ce vendredi soir.

http://www.lunion.presse.fr/accueil/genese-d-un-huis-clos-meurtrier-ia0b0n262868

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