Tout commence par un courrier dans une boîte aux lettres. Sa lettre de convocation… Le citoyen que vous êtes va devenir un numéro. Un numéro de juré populaire, appelé à être juré d’assises lors d’une prochaine session. Comme celle qui se tient depuis le 3 novembre devant la cour d’assises de la Marne.
« Lorsque j’ai reçu ma convocation il y a près de deux mois, ça m’a fait un drôle d’effet, » raconte Laurent, un Rémois de 45 ans. « On sait que ça existe, mais on ne pense pas que ça va nous tomber dessus un jour… Sur le coup, je me suis même demandé comment j’avais été choisi. J’avoue que je suis content d’avoir été retenu sur la liste. Pour moi, c’est un droit et un devoir de citoyen. C’est intéressant de pouvoir vivre ça au moins une fois dans sa vie ». Tiré au sort lors de la première affaire (le braquage d’une bijouterie à Châlons-en-Champagne), Laurent a « malheureusement » été récusé par l’avocat de la défense.
« Une boule au ventre. » C’est ainsi que cette jurée s’est présentée le premier jour de la session. « J’ai mal au ventre depuis ce matin. Lorsque j’ai reçu ma convocation, j’étais à la fois heureuse et inquiète… Je serai déçue de ne pas être tirée au sort, mais j’appréhende en même temps. »
Juger son prochain ? « C’est une sensation bizarre. On se dit qu’il existe des professionnels pour ça, alors pourquoi nous ? » s’interroge cet autre juré.
C’est en effet une particularité française propre à la cour d’assises que la présence de jurés populaires. « C’est le principe de l’égalité. La voix d’un juré vaut celle d’un professionnel. Avoir une appréhension est naturel, » convient Patrice Bresciani, président de la cour d’assises, qui ne lâche jamais ses jurés dans la cage aux fauves, sans leur avoir au préalable expliqué les tenants et les aboutissants d’une telle procédure. C’est le temps des formalités de « révision » avant la session.
« Il s’agit de l’humain. Le fait de s’inquiéter, c’est la preuve que l’on fera un bon juré, » insiste le président. Et d’expliquer les particularités propres à un procès d’assises, notamment le principe d’oralité. « La procédure aux assises est entièrement orale. Le juré n’a pas accès aux pièces écrites. Il peut donc prendre des notes. C’est une survivance du passé. Il s’agit d’un procès démocratique et les citoyens peuvent très bien être illettrés. C’est resté ainsi. »
Tout au long du procès, le juré va également devoir faire preuve d’impartialité. « Il va falloir juger l’homme et les actes, » précise le président. Ainsi un juré ne doit pas manifester son opinion. « Un jour, un juré m’a dit « pourquoi, il nie l’évidence ? » Il faut prendre une distance lors d’un procès . » Il ne doit pas non plus oublier qu’il va juger une personne « présumée innocente », même s’il lui est reproché des faits criminels, des faits punissables d’au moins 10 ans de réclusion.
« Un juré doit partir du principe que la personne n’a rien fait au départ. C’est au déroulé du procès qu’il va se forger son intime conviction, » ajoute Romain Ducrocq, au nom du parquet. Une conviction qui va prendre forme tout au long des débats oraux.
À l’instar d’un magistrat professionnel, le juré aura le droit de poser des questions. Il va pouvoir réajuster sa manière de voir le dossier au fil des heures. Il s’agit là d’un exercice exigeant. Citoyen lambda encore hier, le juré va plonger au cœur d’une réalité qu’il n’imaginait pas. Il va devoir faire preuve d’empathie, de bon sens tout en ne perdant pas contact avec la réalité. Il va devoir prendre une distance avec sa propre histoire. Juger des faits parfois anciens et se confronter à un accusé qui n’est plus le même. Cette immersion totale va le plonger dans un état un peu particulier. On va exiger de lui, une attention sans faille. Il va devoir juger en son intime conviction, tout en accordant au doute la place qui est la sienne. Un exercice ardu et délicat.
http://www.lunion.presse.fr/region/etre-jure-aux-assises-une-experience-qui-ne-s-oublie-pas-ia3b24n439146
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