mercredi 2 décembre 2015

CHU de Bordeaux : patiente étranglée par un drap en 2008, que s'est il passé ?

Sept ans après les faits, les circonstances de la strangulation ayant entraîné le décès de Marie-Jeanne Hobé, dans une chambre de l'hôpital Haut-Lévêque restent en partie inexpliquées. Six heures d'audience hier devant le tribunal correctionnel de Bordeaux n'ont pas permis de dissiper les zones d'ombre d'une enquête, à l'issue de laquelle 10 000 euros d'amende ont cependant été requis contre le CHU de Bordeaux, poursuivi pour homicide involontaire en sa qualité de personne morale.
Position des bras
Professeure de lettres agrégée, Marie-Jeanne Hobé, alors âgée de 59 ans, est transportée en avril 2008 à Haut-Lévêque à la suite d'une fissure de l'aorte. Opérée avec succès par le chirurgien Laurent Barandon, elle conserve des séquelles importantes, étant notamment paralysée du côté gauche. Son mari, un ancien haut fonctionnaire, et son fils se relaient chaque jour à son chevet.
Le 9 mai, à leur arrivée, la chambre qu'elle occupe dans l'un des services de chirurgie cardiaque est vide. En fin de matinée, l'aide soignante Brigitte Lacorte l'a découverte inconsciente sur le fauteuil où une infirmière l'avait installée vingt minutes plus tôt. Le corps de la malheureuse a glissé. Elle a perdu connaissance, étranglée par le drap enroulé autour de son bassin et attaché au dossier du siège pour la maintenir. Mais nul ne peut dire avec certitude quelle était la position de ses bras.
Ils auraient été relevés au-dessus de sa tête selon des propos rapportés à Sylvie Larrieu, cadre de santé de permanence ce jour là, par des membres de l'équipe médicale. En revanche, Brigitte Lacorte et l'infirmière Hélène Saulet soutiennent qu'ils étaient le long du corps. D'où l'éventualité d'un geste volontaire, Marie-Jeanne Hobé ayant pu se servir de son bras valide pour dégager le membre inerte. À plusieurs reprises, n'avait-t-elle pas verbalisé son désespoir devant des soignants ?
Le chirurgien assènera sans grand ménagement la thèse du suicide à Jean-François Hobé, le mari de l'enseignante. Ce dernier n'y croit pas une seule seconde. « Elle avait récupéré ses facultés intellectuelles. Les deux jours précédents, je l'avais même promenée en fauteuil roulant dans le parc de l'hôpital. La veille, on avait bu le champagne. »

Contention en question

Quelques minutes avant le drame, Marie-Jeanne Hobé avait su appuyer sur sa sonnette pour demander à ce qu'on l'aide à se rétablir sur son fauteuil. La procureure Sophie Langevin ne lit pas dans cette attitude le signe d'une tendance suicidaire. « On ne comprend pas l'accident et pour se dédouaner on voudrait l'imputer à une volonté de mettre fin à ses jours. »
Asseoir Marie-Jeanne Hobé sur un fauteuil, c'était l'aider à améliorer sa circulation sanguine et à récupérer du tonus musculaire. Mais fallait-il avoir recours à un drap de lit a des fins de contention ? Cette décision est intervenue sans prescription médicale, sans que le personnel ne soit formé et sans qu'une surveillance spécifique ne soit mise en place au regard du risque encouru. Les effectifs présents, quoique conformes aux normes, ne le permettaient pas.
« C'est une technique moyenâgeuse dont l'usage n'est pas admissible dans un CHU de pointe comme celui de Bordeaux. Le personnel a fait ce qu'il a pu avec les moyens qu'on lui a donnés », accuse Me Thibault Fonséca, le conseil de la famille Hobé. L'expert médical nommé par le juge d'instruction assure que l'usage d'un gilet de contention aurait permis d'éviter l'incident.
« Le CHU de Bordeaux n'en disposait pas, convient Me Stéphane Guitard, l'avocat de l'établissement. L'usage d'un drap était une pratique ancestrale. Mais les statistiques le démontrent. Certains décès par strangulation sont aussi imputables à des matériels spécifiques. Ils n'empêchent rien surtout si la volonté du patient d'en finir est affirmée. »
Depuis, le CHU a édité un guide des bonnes pratiques en la matière qui tient manifestement compte de ce qui s'est passé à Haut-Lévêque. Ce qui n'empêche pas Michel Baron, son nouveau directeur, de soutenir qu'à l'époque le processus de prise en charge de Marie-Jeanne Hobé a « été conforme aux règles de l'art ». Le tribunal présidé par Alain Reynal rendra sa décision le 8 décembre.

http://www.sudouest.fr/2015/12/02/bordeaux-une-patiente-etranglee-par-un-drap-dans-sa-chambre-d-hopital-2203777-2780.php

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