Débat balistique et technique à la cour d’assises de l’Hérault
L’arme du crime, ses munitions et le cadavre de Bernadette Bissonnet : pendant plus de neuf heures hier, la cour d’assises de l’Hérault a froidement passé au peigne fin les relations entre ces trois éléments clés de l’assassinat de Castelnau-le-Lez. Avec, en ouverture, le témoignage du Dr Marc Baubois, le légiste venu sur la scène de crime, puis qui a autopsié la victime. Le médecin est précis : Bernadette Bissonnet a reçu une gerbe de plombs à l’avant-bras gauche, « une blessure non létale » puis « un tir mortel » au thorax. « Décès rapide », « agonie de quelques minutes ». Quid d’un éventuel troisième tir, ou de deux premiers coups de feu simultanés donnant une même blessure ? « A mon avis, c’est très peu vraisemblable. »
Ce troisième coup de feu, la défense de Bissonnet y croit dur comme fer. Alain Artuso, l’expert balistique, en doute. Tout comme il doute qu’on puisse déduire en un coup d’œil de la scène de crime que l’arme utilisée est un fusil à canon scié. C’est ce qu’estimait Jean-Michel Bissonnet dès son arrestation, le 20 mars. « En rentrant, je me suis dit : c’est pas la gerbe de plombs dont j’ai l’habitude avec mes armes de chasse », précise-t-il à la cour. Au-dessus du cadavre de sa femme, le volet était criblé de plombs éparpillés. Repêchée dans le Lez cinquante jours plus tard, l’arme est bien un fusil de chasse espagnol de 1966, dont la crosse et les deux canons juxtaposés ont été « méticuleusement » sciés, les numéros de série meulés, et qui était tellement bien lubrifiée qu’elle ne s’est pas oxydée.
« En coupant les canons, on a une arme de poing dissimulable. C’est plus facile de transformer un fusil en arme de poing que de se procurer un pistolet », explique l’expert Artuso. Mais combien de fois a-t-il servi, ce mystérieux fusil au soir de l’assassinat ? Pour Alain Artuso comme pour les deux contre-experts nommés par le juge, seules deux cartouches ont été tirées dans le hall de la villa Bissonnet.
Mais pour Pierre Laurent, mandaté à titre privé par la défense de l’accusé, la réalité est tout autre. « J’ai trop de plombs, trop de bourres et trop de masse », estime-t-il. Trois tirs ? « Ça veut dire qu’on recharge, et qu’on finit le travail », estime l’expert. « Et cela, Meziane Belkacem n’en a aucun souvenir ! », souligne Me Nathalie Senyk, en défense pour Bissonnet. En arrière-plan se profile l’ombre du vicomte, peut-être présent sur les lieux du crime, selon ce scénario, et les contours d’un nouveau mensonge des deux coaccusés.
Alors la cour explore pendant des heures la composition et la fabrication des projectiles, ergote sur les 262 plombs de « 6 » contenus théoriquement dans chaque cartouche de calibre 16, sur leur diamètre, leur poids, leur taille. On compte et recompte les plombs dans le cadavre, dans le volet, à terre. Des plombs entiers, des fragments. Le rapport du légiste est pourtant clair : « Il est impossible de donner un nombre exact de plombs radiographiés dans le coude gauche de Mme Bissonnet. »
Mais on projette la radio quand même. Les uns ont cent plombs de trop pour deux tirs, les autres constatent qu’il en manque le double s’il y a eu trois coups de feu. Belkacem le répète : « Ce soir-là, j’avais que deux cartouches. S’il y avait eu quelqu’un d’autre avec moi, je l’aurais dit dès le début. » Et les jurés fatiguent, alors que le rythme, lui, ne faiblit pas. Au programme d’aujourd’hui : expertise de l’ordinateur et de l’alarme des Bissonnet, et auditions des gendarmes
http://www.midilibre.com/articles/2011/01/19/ML-Les-coups-de-fusil-longuement-pris-pour-cible-1511804.php5
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire