samedi 15 janvier 2011

Procès Bissonnet - "J’ai passé 1.000 jours en prison pour rien"

Soudain, les pleurs de Jean-Michel Bissonnet résonnent dans la salle boisée de la cour d’assises. « On vient de tuer ma femme ! Elle est morte ! Il y a du sang partout », hurle-t-il, affolé, au bout du fil, s’adressant au gendarme de permanence de Castelnau-le-Lez. C’était le 11 mars 2008, peu après 22 heures. Il venait de découvrir le corps ensanglanté de son épouse Bernadette.


Hier, la salle s’est figée pendant une dizaine de minutes à l’écoute de cet appel. Dans le box, Jean-Michel Bissonnet se tient courbé, la tête repliée vers les genoux. Il a masqué son visage et posé les mains sur ses oreilles pour ne plus entendre ses propres lamentations. Il relève la tête, parfois laissant apparaître ses yeux rougis par les larmes.


Toute la matinée d’hier, il a été invité par la cour à raconter sa version des faits. Passant du sourire aux sanglots sans larmes, il a parlé de sa vie de « rêve » avec Bernadette, une épouse, « intelligente, compréhensive, dévouée ». Jean-Michel Bissonnet a nié, fidèle à ses déclarations initiales, avoir participé au crime. « J’ai passé mille jours en prison pour rien, sur des accusations fausses, sur une enquête négligée et partiale », s’est-il défendu, calmement.


Pourtant, ces deux coaccusés, qui ont témoigné, mercredi et jeudi, l’ont accablé, en le désignant comme le commanditaire du meurtre. « Elle l’embêtait, il était malheureux, il voulait profiter de sa vie. S’il divorçait, il perdait sa maison », a raconté Méziane Belkacem, 51 ans, catégorique. Le vicomte Amaury d’Harcourt, 85 ans, a lui aussi réitéré ses accusations à l’encontre de son ami de quarante ans. « J’ai pris la décision de demander à Belkacem de commettre le meurtre de ma femme », lui avait confié son « fils spirituel », l’après-midi du crime. Le vieil homme est même allé plus loin. Il a évoqué, pour la première fois, l’hypothèse d’un second plan tendant à faire accuser, en cas d’échec, le laveur de vitres.


« Avouez que c’est curieux… »
Debout dans le box vitré, tourné vers la cour, Jean-Michel Bissonnet agrippe le micro des deux mains. A l’aise, l’ancien homme d’affaires, costume bleu marine, relate ses souvenirs idylliques avec son épouse. Leur « coup de foudre », trente ans plus tôt, et leur réussite. « Elle m’a donné des enfants formidables, elle nous a donné tout l’amour qu’elle pouvait », confie-t-il, réprimant un sanglot. Il avait arrêté ses affaires dix ans auparavant et le couple, fusionnel, vivait une « vie formidable ».


Le 11 mars, ils se sont levés en même temps, ont pris leur petit déjeuner, lu le journal, raconte l’ancien homme d’affaires. « Méziane » – c’est ainsi qu’il l’appelait – est arrivé. L’employé a bu un café avec son patron, comme d’habitude. La conversation tourne autour d’une demande d’argent. « Je voudrais que vous me prêtiez de l’argent pour la voiture », lui aurait-il dit. « J’ai refusé. Il m’a dit : "vous pouvez faire un effort." »


Puis ils vont ensemble acheter des galets. Méziane veut essayer la voiture car il projette de l’acheter. Bissonnet accepte, « je venais de lui refuser le prêt, je voulais lui faire plaisir ». Lors du déjeuner, Bernadette se plaint du jardinier « j’ai l’impression qu’il me regarde un peu », lui dit-elle. Jean-Michel Bissonnet efface aussitôt le numéro de son employé. « Avouez que c’est curieux… », remarque le président. « C’est un manque de chance », répond Bissonnet, sans se troubler.


« Des affabulations ridicules »
Dans l’après-midi du 11 mars, le vicomte, de passage dans la région, a prévu de se rendre chez son ami. Il arrive chez Jean-Michel Bissonnet entre 15 et 16 heures. Puis les deux hommes partent acheter une veste polaire à la demande du vicomte. Lui expose-t-il le plan comme l’a déclaré la veille l’octogénaire ? « On a jamais parlé du fait que je voulais faire assassiner ma femme. Ce sont des affabulations ridicules », élude-t-il, insistant sur le côté imprévisible du vicomte. Imprévisible et en manque d’argent. Ce dernier lui avait en effet demandé 30.000 € mi-février, lors de l’une de leur partie de chasse dans l’Yonne. Un an plus tôt, Bissonnet avait gracieusement avancé 15.000 € à son ami. Cette fois-ci, moins d’un mois avant le meurtre, il refuse donc.


De retour à la propriété, Bissonnet présente son vieil ami à Belkacem. Le vicomte lui parle de son neveu qui est à la recherche d’un jardinier. Ce dernier veut des conseils pour une voiture. Puis en profite pour demander à nouveau de l’argent à son patron, « il a un peu insisté, vous voulez pas me prêter 5.000 € pour la voiture ? ». « Sur le ton de la plaisanterie, il a fait pareil avec d’Harcourt », ajoute, calmement, Jean-Michel Bissonnet. Les trois hommes se séparent vers 19 heures. Bissonnet part pour sa réunion hebdomadaire au Rotary Club. Il rentrera chez lui vers 22 heures.


« Mais pourquoi il a fait ça ? »
« La porte s’est ouverte, la petite lumière s’est éteinte et là je suis tombé sur le corps de Bernadette. J’ai pris la carotide, le bras est tombé, elle avait la figure ouverte, elle avait un trou ici – il montre son cœur –, c’est tout ce qui me restera toute ma vie, j’aurais toujours cette vision d’horreur », explique-t-il, éploré. Jean-Michel Bissonnet pose une veste sur le visage de son épouse. Et compose le 17. Le président Mocaer veut savoir ce qu’il s’est passé entre ce coup de fil et l’arrivée des gendarmes. L’accusé déclare avoir passé la serpillière près d’un meuble et avoir pris soin de monter son chien à l’étage, dans sa chambre, afin qu’il ne « patauge pas dans les traces de sang ». Bissonnet est imprécis sur le moment où il a enfermé le chien. Irrité, il interpelle le président « est-ce que c’est important dans la mort de ma femme de savoir quand j’ai monté le chien à l’étage ? ». « Si le chien est à l’extérieur, c’est étonnant d’en faire une priorité », lui répond le juge. « C’est un réflexe tout simplement. » L’écoute de l’appel désespéré de Bissonnet aux gendarmes ne permet pas d’en savoir davantage. On l’entend pleurer, puis s’éloigner du combiné, car il a oublié de raccrocher. Soudain, son fils Marc, explose et quitte la salle, « là, il est train d’essuyer les traces de sang !!! ». « Vous n’avez pas honte ! », hurle son père du fond du box. L’enregistrement continue. « Mais pourquoi il a fait ça ? », répète en pleurs, Jean-Michel Bissonnet. Son audition doit se poursuivre lundi.


http://www.francesoir.fr/faits-divers-justice/proc%C3%A8s%20bissonnet%20-%20%22j%E2%80%99ai%20pass%C3%A9%201.000%20jours%20en%20prison%20pour%20rien%22.87660

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire