vendredi 7 mars 2014

Saint-Quentin : trente mois de prison pour avoir secoué ses deux filles

Bernard* espérait sans doute que l’arrivée de sa première fille Aurore*, en septembre 2012, allait lui apporter un peu de bonheur qui semblait lui faire faux bond depuis trop longtemps. Mais un mois après sa naissance, le pédiatre examine la jeune fille et découvre de multiples fractures sur les membres inférieurs et supérieurs, une hémorragie sous forme d’ecchymose sur la joue et la cuisse, et une hémorragie au niveau des yeux. Des blessures qui laissent penser à des traumatismes non accidentels. Une version constante revient des auditions de l’entourage du bébé: tout le monde a constaté que Bernard était assez brusque, y compris lorsqu’il pratiquait des massages. Aurore est alors placée par le juge des enfants. Puis arrive Julie*, un an plus tard. Un matin, le bébé recrache ses biberons, est victime de convulsions, ne bouge plus les yeux. Le médecin qui l’examine découvre de graves lésions cérébrales qui évoquent le syndrome du bébé secoué. Placé en garde à vue, Bernard reconnaît qu’il a fait tomber sa fille, et qu’il l’a secouée à deux reprises, Aurore à une reprise.

« Dans le fond, il doit être un peu violent »

Pour expliquer ces gestes, Bernard raconte qu’il «s’occupait des filles la nuit pour soulager sa femme. Je pensais bien faire, j’avais un excès de confiance en moi. J’ai eu du mal à supporter les pleurs (de Julie, NDLR) qui était sujette à des crises de larmes le soir. J’ai voulu prendre la responsabilité de la calmer, et j’ai eu un geste maladroit.» Il évoquera pareille scène pour Aurore, «qui me faisait aussi passer des nuits compliquées.» Concernant les massages, Bernard «n’avait pas l’impression d’être brutal.»
La substitut du procureur de la République trouve ce discours un peu «édulcoré. Comment pouvez-vous nous dire que vous n’étiez pas au courant pour Julie alors que vous avez brisé Aurore? Pourquoi avoir longtemps nié?»
«La peur madame», lui répond Bernard.
L’avocat du conseil général qui s’est constitué partie civile, dénonce «les arguments du misérabilisme. L’enfant, c’est l’être faible par excellence. Le père aurait dû être le rempart contre cette violence, et pas l’auteur.»
Pour la substitut du procureur, «il convient que l’accusé prenne la pleine mesure de ses actes par une condamnation ferme, car dans le fond, il doit être un peu violent», et de réclamer trois ans d’emprisonnement, «car on ne connaîtra pas les séquelles de Julie avant l’âge de six ans. L’enfant risque d’être handicapée moteur.»
Pour l’avocat de Bernard, «personne n’a évoqué d’intention malveillante dans ce dossier. Ça arrive à tout le monde de faire tomber un enfant, même aux parents les plus prudents. Est-ce qu’une perte de contrôle mérite trois ans d’emprisonnement? Je ne pense pas.»
Le tribunal l’a en partie suivi puisqu’aucun mandat de dépôt n’a été demandé.
* les prénoms ont été modifiés.

http://www.aisnenouvelle.fr/region/saint-quentin-trente-mois-de-prison-pour-avoir-secoue-ia16b108n33517

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