Il est plus facile d'ouvrir une huître sans couteau que la bouche d'un avocat sans avance", disait un poète anglais. Les idées reçues, images d'Épinal et autres fantasmes ont le cuir épais. Jusqu'à ce que la réalité des faits ne vienne les tanner. Aujourd'hui, au moins 30% du barreau aixois, principalement de jeunes confrères, ne parviennent plus à s'installer et faire subsister leur cabinet.
Ces 30% ne se versent - ou ne reçoivent, pour ceux qui ont dû rester en collaboration - "que" 2 000 € maximum par mois, se battent pour se voir confier une assistance en garde à vue ou bien sautent sur tout dossier en commission d'office. "C'est un chiffre inquiétant", lâche d'emblée Me Claude Lassalle, le bâtonnier du barreau aixois et de ses 690 robes noires, le 11e de France en nombre d'avocats. "Et on le constate, ici à la Maison de l'avocat, quand certains viennent demander avec impatience l'émission des attestations d'aide juridictionnelle pour être payés par l'État et parvenir à finir le mois." Nous y voilà. L'aide juridictionnelle dont le champ d'attribution aux prévenus ne cesse de s'élargir, le niveau de vie général déclinant.
La moitié ne touche même pas 2 000 €...
Une aide de l'État pour les plus faibles revenus-un honoraire de 183 euros pour l'avocatqui plaide l'affaire - qui est, à la fois, la plaie béante de la précarisation de cette profession, et la bouée de sauvetage des débutants. "Parce que dans cette catégorie-là (un avocat est considéré comme un jeune avocat jusqu'à ses 40 ans, ndlr), c'est la moitié de nos confrères qui ne touchent même pas 2 000 euros", assure Me Olivier Quesneau, président de l'union des jeunes avocats aixois. "Ça n'est pas compliqué, si en matière civile (affaires familiales, juge de proximité et prud'hommes entre autres), cette aide juridictionnelle venait à disparaître, on assisterait à la clochardisation de la profession d'avocat", pilonne le bâtonnier Lassalle.
Un mythe s'écroule donc. "En même temps, certains confrères l'alimentent, ce fantasme, en exhibant des signes extérieurs de richesse alors qu'ils n'ont pas de quoi payer leurs charges quotidiennes", ose Olicier Quesneau. Et le bâtonnier d'enchaîner: "Dans les fictions, on ne voit que des avocats roulant en Mercèdes, mais jamais celui qui n'a même pas de secrétaire. C'est un métier où l'image est primordiale, mais les costumes peuvent aussi sortir de chez Celio! Il faut vraiment démystifier cette profession."Du moins, en partie.
... mais certains culminent à 10 000 € mensuels
Parce que si un tiers au moins des avocats d'Aix galère, le reste vit bien, voire très bien. Le revenu moyen du barreau d'Aix est en effet de 3 500 euros net par mois, quand certains culminent à plus de 10 000 euros mensuels. "Ils sont une quarantaine dans ce cas. Mais ils ne sont pas pénalistes, ce sont des avocats d'affaire", précise Me Lassalle. Et de se faire coach. "Notamment en matière pénale, qui regroupe environ 150 avocats (seulement une dizaine ne plaide qu'au pénal, Ndlr) à Aix, le jeune avocat ne peut pas rester assis à son bureau et laisser jouer sa plaque en bas de l'immeuble. Il faut être dynamique, se montrer partout, et être un lutteur à la barre quand on a la chance d'y être
" Saisir sa chance à chaque plaidoirie, faire en sorte que chaque procès gagné ait un retentissement dans l'univers carcéral et que le bouche à oreille paye. Ce fut le cas pour
Me Julien Pinelli, aujourd'hui pénaliste reconnu sur la place et sorti de la galère des premières années: "On ne parle pas d'argent et d'honoraires entre confrères, il y a une pudeur à les aborder", confie-t-il. "D'autant qu'en plus de l'étude du dossier, j'ai aussi le sentiment de facturer à mon client, l'aller et retour au cabinet que je vais faire en pleine nuit pour vérifier un point de procédure et les nuits sans sommeil avant un gros procès
" Un dévouement sur lequel on ne pose pas de chiffre.
http://www.laprovence.com/article/a-la-une/aix-ces-avocats-qui-galerent-avec-leurs-revenus
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