samedi 29 mai 2010

Bertand Cantat... noir destin 2

"J'ai l'impression qu'elle n'en démord pas. Elle veut absolument pourrir la vie de Bertrand." Interrogé dans le Journal du Dimanche, Xavier Cantat, le frère du chanteur condamné pour avoir porté des coups mortels à sa compagne Marie Trintignant en 2003 en Lituanie, déplore que la mère de l'actrice en appelle à l'émotion pour peser sur la décision du juge d'application des peines. La demande de libération conditionnelle de l'ex-leader de Noir Désir est examinée jeudi.

La semaine dernière, Nadine Trintignant faisait savoir qu'elle jugeait cette éventuelle libération "prématurée". "Je crains que (sa) libération très anticipée n'apparaisse comme tristement significative pour tous ceux qui luttent pour que soient enfin justement sanctionnées les violences faites aux femmes", écrit notamment la réalisatrice dans une lettre adressée au juge et dont Le Figaro publiait des extraits (Lire notre article). "Je garde le souvenir profondément blessant des conditions dans lesquelles M. Bertrand Cantat a tenté de justifier son comportement en commençant par imputer à ma fille la responsabilité de sa propre mort, et en n'hésitant pas à salir sa mémoire", ajoute-t-elle.

"Bertrand est un prisonnier lambda"

"Avec cette lettre, Mme Trintignant nie le droit en jouant sur l'émotion", dit au JDD Xavier Cantat, qui espère vivement une réponse favorable à la requête présentée par l'avocat de son frère. Pour lui, la mère de la comédienne "tente d'influencer non seulement la justice, mais aussi l'opinion publique". S'il dit "tout à fait comprendre la peine" de la réalisatrice, il lui reproche de "s'être enfermée dans la vengeance". "Elle accuse Bertrand de ne pas avoir hésité à salir la mémoire de sa fille. C'est totalement faux, tient-il à dire. D'autre part, elle affirme que Bertrand a purgé sa peine 'dans des conditions que bien des prisonniers lui envieraient'. Je tiens à souligner qu'il a toujours refusé d'être dans en quartier VIP (...) Bertrand est un prisonnier lambda."

Condamné à huit ans de prison, le chanteur du groupe Noir Désir avait été incarcéré en juillet 2003 à Vilnius puis transféré en septembre 2004 à la centrale de Muret, près de Toulouse. Il a aujourd'hui purgé la moitié de sa peine, ce qui rend légitime sa demande. Sa requête de libération conditionnelle fera l'objet d'un "débat contradictoire" entre des représentants du parquet et de la défense ainsi que le juge d'application des peines. Le chanteur de 43 ans sera également présent. L'affaire pourrait être mise en délibéré.

TF1NEWS


Kristina Rady, la mère des deux enfants de Bertrand Cantat, le parolier et chanteur de Noir Désir, a mis fin à ses jours, dimanche, en se pendant à son domicile, à Bordeaux. Elle avait 42 ans. D’origine hongroise, elle avait soutenu sans faille son ancien compagnon poursuivi et condamné, le 24 mars 2004, à 8 ans de prison par un tribunal de Lituanie, pour avoir porté des coups mortels à sa nouvelle compagne, Marie Trintignant, au cours d’une violente dispute, le 27 juillet 2003 à Vilnius. Dans son édition du 25 mars 2004, soit quelques jours avant le verdict du procès Cantat, Le Point avait publié un long entretien avec Kristina Rady. Titre de l’interview : « J’essaie de maintenir Bertrand en vie ». En voici la version intégrale

Le procès de Bertrand Cantat, poursuivi pour le meurtre de Marie Trintignant, est sur le point de s’achever à Vilnius (Lituanie). Le procureur a requis neuf ans de prison. Pendant les cinq jours de débats, une femme a impressionné l’auditoire par sa dignité, Kristina Rady, l’épouse de Bertrand Cantat, qui est aussi la mère de ses deux enfants. Avant l’énoncé du verdict, lundi prochain, Kristina Rady a accepté, en exclusivité pour Le Point, de se livrer, de raconter la façon dont elle a vécu le procès et ses sentiments aujourd’hui à l’égard de Bertrand Cantat.

LE POINT : Depuis le 27 juillet 2003, vous n’avez cessé d’écrire à Bertrand Cantat, de le voir en prison. Que lui dites-vous ?

Kristina Rady : J’essaie de le maintenir en vie. Je lui dis que ses enfants ont besoin de lui et qu’il a besoin de ses enfants. J’essaie de lui expliquer que ce qui s’est passé le 27 juillet 2003 ne peut pas altérer tout ce qu’il a fait avant. Bien sûr, la mort de Marie a rempli son coeur de peine et de culpabilité. Et cela à perpétuité.

Qu’est-ce qui vous fait tenir ?

C’est Bertrand qui m’a appris à être forte. J’ai passé douze ans auprès de lui - un tiers de ma vie -, je n’ai jamais rencontré un homme aussi incorruptible et honnête que lui. Il n’est pas devenu le porte-parole d’une génération par hasard. Je l’ai vu refuser des centaines de sollicitations afin de rester fidèle à ses idées et à ses engagements. Je l’ai vu résister à la gloire facile, au paraître, au mensonge. Il ne doit rien à personne : ce n’est pas un « fils de ». Tout ce qu’il a obtenu, il ne le doit qu’à son travail, à son talent.

C’est un homme qui mérite que je le soutienne, qu’on le soutienne. Le fait qu’il soit le père de mes enfants ne suffit pas. J’aurais pu quitter depuis longtemps la France avec Alice et Milo sous les bras. Si je suis restée, c’est parce que j’ai un profond respect pour Bertrand Cantat. Je suis venue témoigner à Vilnius parce que je sais que Bertrand dit la vérité. Si j’avais eu le moindre doute sur ce point, je n’aurais pas fait le voyage. Vous pouvez me croire : Bertrand n’a jamais levé la main sur quiconque avant le 27 juillet 2003. Ni sur moi ni sur une autre.

L’aimez-vous toujours ?

Oui, profondément. Comme on aime le père de ses enfants. Comme quelqu’un avec qui on a partagé dix années très fortes. Il demeure, à ce jour, l’homme le plus important de ma vie. Mais mes sentiments à son égard sont clairs, je n’essaie pas de le récupérer.

Je ne le défends ni comme une femme amoureuse ni comme une fan aveuglée. Je n’ai jamais succombé à la fascination. C’est pour cela qu’il est tombé amoureux de moi et qu’il a voulu partager ma vie. Bertrand n’aurait jamais pu vivre avec une groupie. Il n’aurait pas plus supporté une femme soumise.

Que pensez-vous du commentaire de Me Georges Kiejman, l’avocat de la famille Trintignant, selon lequel Bertrand Cantat a « de la chance d’avoir une femme comme vous » ?

C’est une tournure d’avocat très astucieuse et insidieuse. Me Kiejman choisit de me valoriser pour mieux dévaloriser Bertrand, comme s’il était une espèce d’ignoble personnage qui a eu la chance de croiser des femmes extraordinaires. C’est une façon inélégante de minimiser, voire de détourner mon témoignage.

Avant cette tragédie, je ne connaissais pas Me Kiejman, ni aucun autre avocat français, d’ailleurs. A présent, je l’ai vu à l’oeuvre : il est prêt à tout pour salir l’image de Bertrand. S’il avait été son avocat, je suis persuadée qu’il n’aurait pas hésité à étaler dans les médias la vie privée de Marie, qui contient ses zones d’ombre. Mais Bertrand ne l’aurait pas accepté.

Je suis fière d’être sa femme, même si je condamne son acte avec autant de vigueur que n’importe quelle femme.

On connaît l’épouse de Bertrand Cantat, mais on ne connaît pas Kristina Rady. Qui est-elle ?

J’essaie d’être une femme autonome. Bertrand m’a rencontrée au début des années 90, en Hongrie. A l’époque, j’étais un électron libre. Dans l’euphorie ambiante, je participais activement à la révolution postsoviétique. J’ai cofondé un journal politico-culturel d’abord clandestin, qui a contribué ensuite à l’explosion de la presse. Après l’insurrection de 1956, mon grand-père purgeait sa peine à perpétuité en compagnie de celui qui allait devenir le président de la Hongrie libre. J’ai participé à l’émergence d’une radio clandestine, qui deviendra ensuite le porte-parole des minorités ethniques et des femmes. J’ai été programmatrice du premier bar concert-café-théâtre de Budapest, de la première fête de la musique, et j’ai monté des émissions pour la télévision libre. Bertrand a vécu à Budapest avec moi. Là-bas, il n’était pas le leader de Noir Désir, mais l’amoureux de Kristina - et il en était ravi. Ce n’est pas Bertrand qui m’a demandé de quitter la Hongrie, au contraire. C’est moi qui ai décidé d’aller vivre en France pour lui rendre sa place : il avait besoin d’être à Bordeaux auprès de son groupe, de son cercle d’amis, pour créer. Les gens de Noir Désir sont extraordinaires, c’est une autre histoire très forte.

J’ai laissé beaucoup de choses derrière moi, mais je pensais que mon histoire d’amour était plus importante. Et puis j’avais envie d’entretenir de l’extérieur la flamme dans mon pays. Aujourd’hui, j’écris, je suis également traductrice littéraire et conseillère artistique pour différents festivals, comme la Nova Polska, la saison culturelle polonaise en France.

Avec le recul, comment expliquez-vous le coup de foudre réciproque de Bertrand Cantat et Marie Trintignant ?

Pour répondre, il aurait fallu que je connaisse bien Marie. Je sais seulement que tous les deux étaient des êtres extraordinaires, d’une grande douceur. Ils étaient en quête d’un amour absolu. Ils s’aimaient comme deux adolescents, d’une passion dont on rêve tous, mais qui peut perdre beaucoup de plumes sur l’autel du quotidien.

Bertrand a vécu avec très peu de femmes. Sûrement parce que c’est un homme très sincère et très entier. Il a aimé toutes ses compagnes très passionnément, très sincèrement. Je suis restée amie avec chacune d’elles. Peut-être, en vieillissant, Bertrand aimait-il de plus en plus fort...

Certains journaux ont parlé de « trahison », en opposant l’image publique et les engagements politiques et moraux de Bertrand Cantat à la violence de ses actes.

Je peux comprendre à quel point il soit choquant d’apprendre qu’une personne aussi honnête, admirée par beaucoup, puisse se rendre coupable d’un tel acte. Encore une fois, si Bertrand avait été mesquin, démago, arrangeur de vérité, la mort de Marie n’aurait pas causé un aussi grand choc dans l’opinion publique. Mais Bertrand n’a trahi personne. Ce drame nous montre à quel point l’être humain est fragile et comment les passions amoureuses peuvent nous mener sur une terra incognita. Là où votre vie peut déraper l’espace d’un instant, et vous détruire. La réalité est souvent plus complexe que ce que montrent les médias. Ce qui m’importe, c’est ma propre opinion. Et aussi protéger mes enfants. J’ai même été victime de mots et de confessions que je n’ai ni donnés ni confirmés sous forme d’articles venant de la presse people. Cependant, l’opinion publique n’est pas dupe. Chacun s’est fait son propre avis sur ce drame.

Depuis juillet 2003, vous avez toujours soutenu Bertrand Cantat. Vous arrive-t-il de penser à vous ?

Non, je n’en ai pas le loisir. Soutenir Bertrand passe avant tout. C’est cela qui lui permet de se maintenir en vie. Le reste de mon temps est consacré à nos deux enfants. Au lieu de passer des nuits blanches à gamberger, je traduis des pièces de théâtre et j’écris. Cela me tient également en vie. Je préfère publier ce genre de choses plutôt que d’étaler ma vie privée dans des Mémoires.

Par ailleurs, je reçois énormément de lettres de soutien, envoyées par des gens que je ne connais pas. J’ai aussi, et surtout, un tissu d’amis exceptionnels. Ce sont mes amis, mais ils ont énormément de respect pour Bertrand. Pendant le procès, nos enfants sont restés à Bordeaux, chez un couple d’artistes qui les protège. Ces amis et les proches de la famille n’ont pas forcément de gros moyens financiers, mais ils m’offrent du temps, leur disponibilité jour et nuit, une humanité de chaque instant. Noir Désir, non plus, n’a jamais abandonné Bertrand. Cela l’aide également à tenir.

Comment voyez-vous l’avenir ?

J’y réfléchis sans cesse, mais je ne parviens pas à l’imaginer. Je ne peux pas ne pas me projeter dans l’avenir ; mais le présent est à la fois trop dense et indécis.

Après le réquisitoire du procureur de Vilnius, Nadine Trintignant a parlé de vos enfants en disant que, par la faute de leur père, ils étaient devenus ceux d’un assassin. Comment avez-vous réagi à ces paroles ?

Ce sont des paroles indignes même de la part d’une mère qui souffre. Nadine Trintignant a perdu sa fille : je ressens sa souffrance. Mais sa douleur, si immense soit-elle, ne lui permet pas de mêler les enfants de Bertrand - qui sont aussi les miens - à cette tragédie. Ils ne sont pas responsables de la mort de Marie. Je suis profondément choquée par cette douleur qui s’exprime par la haine et réclame, finalement, le suicide de Bertrand. Bertrand a droit à la vie. On ne répond pas à une mort par une autre mort. Bertrand a commis un acte très grave. Il va être condamné pour cela. Puis il va devoir vivre toute sa vie avec la culpabilité de la mort de Marie. Et, par là-dessus, une mise à mort médiatique a été minutieusement organisée pour le déposséder de tout ce qu’il a fait avant cette tragédie. Il est inutile de vouloir lui infliger une quatrième peine. Bertrand n’a cessé de s’excuser sincèrement pour ce qu’il a fait. Nadine Trintignant a fermé son coeur. Son livre glisse de la vérité au mensonge. Mieux que quiconque, elle devrait savoir que ce n’est pas la vie qui s’inspire du cinéma ou du théâtre, mais le contraire.

Vous avez deux enfants, Alice, 1 an et demi, et Milo, 7 ans. Que leur avez-vous dit ?

Milo a toujours été élevé dans la vérité et la transparence. Je lui ai tout raconté, sauf l’incendie criminel de sa maison. La parole des enfants est extraordinaire. Ils posent des questions très différentes de celles des adultes. Milo a immédiatement pensé à ses petits frères - les enfants de Marie, qu’il considère ainsi. Milo aimait beaucoup Marie et ses enfants. Récemment, il m’a demandé s’il pouvait revoir ses « petits frères ». Je lui ai répondu que j’espérais que ce serait possible un jour. L’occasion de dépasser cette notion de clans.

Milo m’a demandé si Marie avait des copains à elle au cimetière, s’il y avait beaucoup d’arbres autour d’elle. Je lui ai répondu que oui. Il m’a aussi demandé si j’étais sûre que son papa n’allait pas mourir de chagrin en prison. Il voulait qu’on l’autorise à aller dormir au moins une nuit à côté de lui dans sa cellule, pour le consoler. Milo nous suivait toujours partout, notamment au théâtre ou aux concerts. Depuis le drame, à plusieurs reprises, des amis comédiens et de très nombreux amis musiciens ont proposé à notre petit garçon de venir les voir sur scène, comme avant. Chaque fois, il a refusé. J’ai cherché à comprendre pourquoi. Au début, il ne voulait rien dire. Alors, j’ai insisté. Il a fini par m’avouer qu’il aurait trop de peine à voir « les papas des autres » sur une scène.

Quel avenir imaginez-vous pour Bertrand Cantat ?

Il a toujours éprouvé une telle culpabilité pour les malheurs du monde en général... C’est pourquoi il était primordial, pour lui, de monter sur scène afin d’extérioriser ses souffrances et de transmettre, à travers sa poésie, un message d’espoir et de vie. Les oiseaux ne chantent pas en cage. J’ignore quel avenir la justice lituanienne lui réserve, mais je suis sûre qu’il a encore beaucoup à apporter. Nous avons besoin de lui.

Le Point


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