Tony Gomez a noué une cravate autour du col de la chemise qu’il déboutonne bas sur le torse lorsqu’il accueille ses clients VIP de la boîte branchée des Champs-Elysées qu’il dirige. Depuis mercredi matin, il est assis sur le banc des parties civiles de la 10e chambre du tribunal correctionnel de Paris. A ses côtés, son ancien compagnon, Grégory Colombe, du temps où, en 1998, le night-clubber avait la main haute sur le Banana Café. Un bar gay du quartier parisien des Halles où venaient se distraire Muriel Robin, Catherine Lara ou encore Pierre Palmade.
Pour contenir son exaspération, Tony Gomez jette, avec un stylo de marque, quelques mots sur une feuille. Il en souligne un : « reconstitution ». Car, depuis le 28 avril 1998, le tenancier de boîtes de nuit en est certain : c’est lui, et non son amant, qui a échappé de peu à une mort sur commande, dans leur duplex de la rue des Lombards. Un « faux suicide » à la 22 long rifle programmé par son directeur financier de l’époque, Xavier Philippe, qui aurait confié l’exécution du crime à un homme de main.
« Balance-la ! »
Alain Samycia tient la barre à deux mains et nie mollement, à moins que ce ne soit l’acoustique de la salle d’audience qui avale ses dénégations. La greffière n’a rien entendu, la présidente lui fait répéter ce qu’il a d’ailleurs déjà dit aux enquêteurs de la brigade criminelle : « J’étais sur le palier pour faire le guet. Un type a descendu l’escalier en courant, avec sa main il se tenait le coude qui saignait. Jossuah a déboulé derrière, m’a donné la carabine et m’a dit : “Balance-la !” »
Samycia, selon l’accusation, est en réalité le tireur et non un simple homme assurant les arrières dudit « Jossuah », rencontré un mois plus tôt à Paris, et jamais retrouvé par les services de police. L’homme, un ancien chauffeur routier du Loiret, âgé de 47 ans, s’engonce dans sa parka beige. Il comparaît libre mais sait bien que, dans ce dossier qui commence à dater, il est plusieurs points qui ne plaident pas en sa faveur. A commencer par le tireur présumé : était-il « créole », « café au lait », avec « le crâne rasé » ou « les cheveux en brosse », comme il l’a assuré ? Ou « de type européen », comme l’a, au contraire, affirmé un témoin – une voisine du couple Gomez-Colombe ?
En outre, connaissait-il le commanditaire supposé, Xavier Philippe ? S’il a juré – et réciproquement –, lors de l’instruction, ne jamais l’avoir croisé à Orléans, d’où Philippe et lui sont originaires, et où ils ont tous les deux travaillé comme routiers, les enquêteurs ont, eux, effectué quelques investigations.
Assurance vie
D’abord, ils se sont renseignés sur Xavier Philippe. Et découvert qu’il avait purgé une condamnation à la maison d’arrêt d’Orléans au moment où Samycia y était également incarcéré. Ensuite, ils ont établi que des coups de fil ont pu être échangés entre les deux hommes. Enfin, dans le cadre d’une autre procédure – celle de l’assassinat, en 2005, de Christophe Belle, associé de Xavier Philippe dans une pâtisserie parisienne, qui a valu à ce dernier une condamnation à trente ans de réclusion en 2008 –, ils sont tombés sur des contrats d’assurance vie dont les noms des bénéficiaires avaient été curieusement modifiés pour être établis au profit de Philippe.
Et puis cette phrase, lâchée lors d’un interrogatoire, en 2006 : « Quand je vois comment a tourné le dossier avec l’autre affaire, si c’est la même personne, ça ne pourra me rapporter que des ennuis… » Les ennuis, pour l’heure, Samycia y est plongé jusqu’au cou. Et il y a fort à parier que ce n’est pas Xavier Philippe, tranquillement assis entre deux gendarmes dans le box des prévenus, qui l’en tirera. Lui, par la voix de ses avocats, Mes Frédérique Baulieu, Philippe Sarda et Hervé Témime, réfute totalement toute complicité dans les violences volontaires commises sur Grégory Colombe. Il a jusqu’à demain pour convaincre les juges.
France Soir
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