Le procès de Jérôme Kerviel, accusé par la Société générale de lui avoir fait perdre en 2008 près de 4,9 milliards d'euros, s'ouvre mardi devant le tribunal correctionnel de Paris. Durant trois semaines, deux thèses vont se faire face: celle des dérives d'un système financier encourageant la fraude tant qu'elle ne se voit pas, défendue par l'ancien trader, et celle de la banque, se disant victime des agissements frauduleux de son employé.
Jérôme Kerviel, 33 ans, seul prévenu, sera jugé pour "abus de confiance", "faux et usage de faux" et "introduction frauduleuse dans un système de traitement automatisé de données informatiques". Il encourt jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 375.000 euros d'amende.
Il lui est reproché d'avoir spéculé sur les marchés européens en dépassant les limites financières assignées par la banque et en masquant ses positions par des fausses opérations. En janvier 2008, le trader avait pris des positions à risques sur les marchés à hauteur de 49 milliards d'euros. La Société générale a toujours déclaré avoir découvert le 18 janvier l'ampleur de ces positions à risques. Les faits ont été rendus publics le 24 janvier par l'ancien PDG de la banque, Daniel Bouton, qui, lors d'une conférence de presse, avait qualifié Kerviel de "terroriste".
Le débouclage de ces positions, entre le 21 et le 23 janvier, a entraîné des pertes de près de 6,3 milliards d'euros, moins 1,4 milliard de gains engrangés par le trader, soit 4,9 milliards d'euros directement imputables à Jérôme Kerviel. La Société générale affirme que ces positions à risques faisaient courir un risque vital à la banque. Une décision contestée par le prévenu qui assure que c'est la banque en débouclant ces fonds qui a perdu 4,9 milliards.
"Je me suis laissé griser. J'avais perdu la notion des choses", avait confié Kerviel lors de l'instruction disant même avoir été pris dans une "spirale" se laissant happer par son succès.
L'ancien trader s'est toujours défendu en disant que sa hiérarchie était informée de ses prises de positions. Son avocat, Me Olivier Metzner, entend démontrer "que Jérôme Kerviel n'a pas abusé de la confiance de la banque" qui "suivait au quotidien ses opérations". Opérations visibles sur les données informatiques de l'établissement bancaire, selon la défense, qui n'ont pas été exploitées pendant l'enquête. Et qui seront utilisées par l'avocat de Jérôme Kerviel lors du procès.
Evidemment, la banque est sur une toute autre ligne, se disant la victime des agissements de son trader. Jérôme Kerviel est "un menteur, un faussaire et a abusé de la confiance de la banque", martèle l'avocat de l'établissement financier, Me Jean Veil.
Les nombreuses opérations de Jérôme Kerviel n'ont pas été relevées par les organes de contrôle de la banque, ce qui lui permet d'assurer que sa hiérarchie a couvert ses positions. L'enquête a montré qu'il avait menti à ses supérieurs, produit des faux documents qui, selon les juges d'instruction, "ont mis en échec les contrôles de la banque".
Un mois avant l'ouverture de l'audience, Jérôme Kerviel s'est lancé dans une opération de communication de grande envergure à l'occasion de la publication de son livre, "L'Engrenage - Mémoires d'un trader" (Flammarion). En période de crise financière, il fallait redonner un visage humain à celui qui a symbolisé les dérives des traders et de leurs bonus faramineux.
La Société générale lui réclame 4,9 milliards d'euros en réparation du préjudice subi. Le 4 juillet 2008, la Commission bancaire a infligé un blâme à la Société Générale et une amende de quatre millions d'euros, le maximum encouru étant de cinq millions. Plusieurs supérieurs hiérarchiques de Jérôme Kerviel ont été licenciés par la banque. AP
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/social/20100607.FAP3249/ouverture-mardi-du-proces-de-jerome-kerviel-l-homme-qui-valait-cinq-milliards.html
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