jeudi 5 août 2010

Les affaires de "bébés congelés" en série

Le 17 mai 2010, Véronique Courjault sort de prison. Reconnue coupable le 18 juin 2009 par la cour d'assises d'Indre-et-Loire de triple-infanticide, la justice a accepté sa demande de remise en liberté après quatre ans de prison
Véronique Courjault, un nom qui a défrayé la chronique. La découverte en juillet 2006 par Jean-Louis Courjault des corps de deux bébés dans le congélateur de leur maison à Séoul en Corée du Sud, a été le point de départ de l'affaire des "bébés congelés". Après la macabre découverte, le couple nie être les parents, mais en octobre des tests ADN réalisés en France confirment les analyses sud-coréennes désignant les époux Courjault comme les parents des deux nouveau-nés. Lors de leur garde à vue, Veronique Courjault avoue le double infanticide et souligne que son mari n'était au courant de rien. Elle confesse également un troisième infanticide commis en 1999 en France. Elle est mise en examen et écrouée pour "assassinats" et son mari, laissé libre, pour "complicité d'assassinats".

En mars 2008, la juge d'instruction chargée de l'affaire renvoie Véronique Courjault devant la cour d'assises et ordonne un non-lieu pour son époux. Quelques jours plus tard, la procureure générale de la Cour d'appel d'Orléans fait appel de l'ordonnance de non-lieu. En janvier 2009, la chambre de l'instruction de la Cour d'appel d'Orléans confirme le non-lieu mettant définitivement hors de cause Jean-Louis Courjault
Le procès de son épouse s'ouvre le 9 juin 2009. Lors des audiences, Véronique Courjault affirme "n'avoir pas prévu de donner la mort aux enfants".

Le 18 juin, la cour d'assises d'Indre-et-Loire la condamne à huit ans de prison.



Point de départ d'une série

Cette affaire des "bébés congelés" a jeté un coup de projecteur sur un phénomène jusque là ignoré du grand public et qui a marqué les Français. Le réalisateur oscarisé Jean-Xavier de Lestrade a même porté l'histoire sur les écrans. Dans le documentaire-fiction "Parcours meurtrier d'une mère ordinaire : l'affaire Courjault", diffusé sur France 3, il a reconstitué mot pour mot le procès de la mère infanticide.

Si cette affaire des "bébés congelés" a suscité autant d'intérêt c'est aussi parce qu'elle a été le point de départ d'une série de cas similaires. On peut ainsi citer l'affaire "Valérie Serres", "Virginie L."…

En 2010, on dénombre deux affaires.

Le corps d'un nouveau-né a été retrouvé dans le congélateur d'un appartement à Metz, le 6 juin. Le corps du bébé avait été découvert par un ami de la mère, venu faire le ménage dans l'appartement pendant l'hospitalisation de celle-ci pour une septicémie provoquée par son accouchement. Le nouveau-né, qui était viable à la naissance, était emballé dans un plastique. Agée de 38 ans, la femme a été mise en examen pour "homicide volontaire" sur mineur de moins de 15 ans. Selon les enqueteurs, elle ne supportait pas sa grossesse.

Le drame de l'Aude. Le 13 juin, une femme de 34 ans s'est présentée à la gendarmerie accompagnée de son père, de son mari et de son beau-père, pour dénoncer son propre crime, datant de plusieurs mois. Quelques jours plus tôt, son mari avait découvert le corps d'un nouveau-né enveloppé dans un sac en plastique dans le congélateur de la maison familiale à Lasbordes (près de Carcassonne). Selon l'examen médico-légal, le bébé de sexe masculin qui avait entre 37 et 39 semaines, était vivant à la naissance.

Mise en examen pour infanticide, la mère soutient aux enquêteurs qu'elle ignorait être enceinte. Elle explique être tombée d'une échelle et avoir alors été prises de contractions. Selon le commandant de la compagnie de gendarmerie de Castelnaudary, le capitaine Pascal Massa, elle était dans une "incompréhension totale" lors de son accouchement. Pour le procureur de Carcassonne, il n'y a pas de doute, "il y a un déni très fort de grossesse". Une notion souvent présente dans les affaires d'infanticide.



Pas de "profil type" de la mère infanticide

Interrogé par Nouvelobs.com, le psychologue clinicien Marc Ferrero explique que le déni de grossesse est le "refus inconscient de savoir qu'on est enceinte". Le psychologue ajoute que dans ces situations, "la naissance est un véritable découverte qui peut se transformer en traumatisme". Et dans certains cas, la naissance peut conduire au drame.

Mais le déni de grossesse n'est pas toujours à l'origine de ces affaires. Quelles sont alors les raisons qui peuvent pousser une femme à commettre un tel geste ?

Marc Ferrero souligne qu'il n'y a pas de "profil type" de la mère infanticide. "Toutes les mères ont, inconsciemment, des désirs meurtriers envers leur enfant. La différence c'est que certaines passent à l'acte". Le psychologue évoque aussi la pression de la société sur les mères, notamment avec la notion "d'instinct maternel", qui selon lui est une "invention". Mais s'il n'existe pas de "profil type", il y a tout de même quelques similitudes. "Très souvent, ces femmes sont dans une situation d'isolement (environnemental, social…). Elles n'ont pas la possibilité de s'exprimer, elles ne parlent pas", indique Marc Ferrero.

Véronique Courjault est une de ces femmes. Le premier jour de son procès, elle a évoqué son enfance dans une famille de huit enfants. "Je pense avoir eu un manque de communication, de démonstration affective… Je n'ai pas su trouver ma place. Je n'ai pas confiance en moi", avait-elle expliqué. L'enquêteur de personnalité ajoute qu'elle "affiche une personnalité ne montrant pas de trait extraordinaire".



Un phénomène ?

Les mères infanticides n'ont pas conscience de leurs actes. Le fait de placer un nouveau-né dans un congélateur répond à un désir inconscient de conserver le bébé auprès d'elles. Pour Marc Ferrero, c'est aussi un moyen de régler la question de la culpabilité. "Dans leur esprit, c'est un acte moins violent que de jeter son enfant dans une benne à ordure, par exemple. Et il n'y a pas de transformation du corps", explique le psychologue clinicien.

Si ces affaires sont tant connues, cela signifie-t-il qu'elles sont en augmentation ces dernières années ?

"Il n'y a pas d'augmentation du nombre d'infanticide. Il y a bien au contraire un effondrement des statistiques en la matière", insiste Marc Ferrero. Pour lui, la médiatisation, voire la surmédiatisation, de ces affaires, qui fascinent les Français autant qu'elles les horrifient, est à l'origine de ce phénomène.

Ces derniers jours, une nouvelle affaire d'infanticide, qui devrait faire beaucoup de bruit, a été révélée. Dominique Cottrez, aide-soignante de 45 ans, a été mise en examen et écrouée pour "homicides volontaires de mineurs de moins de 15 ans" après la découverte des corps de huit nouveau-nés, enterrés dans un jardin à Villers-au-Tertre (Nord)
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20100730.OBS7876/les-faits-divers-4-5-les-affaires-de-bebes-congeles-en-serie.html

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