Dans la salle d’audience du tribunal, le prévenu, debout devant le micro, s’accroche fermement au rebord du pupitre et bégaie une ultime tentative d’explication. « Ça suffit, monsieur ! Il y a des règles et vous allez apprendre à les respecter ! » l’interrompt-elle d’un regard bleu glacé.
Ce 9 septembre, au premier étage de la haute tour du palais de justice de Nanterre, la magistrate révise les classiques qui occupent « sa » chambre correctionnelle – la 15e, celle consacrée aux affaires financières. A l’ordre du jour, un dossier d’abus de faiblesse. Encore un. Cet après-midi-là, ce n’est pas François-Marie Banier qui plie (pas encore) sous la charge, mais un artisan quinquagénaire, dépanneur de frigos lorsqu’il ne vend pas, à prix fort, des téléviseurs à ses clients de 94 ans. Au même endroit, en mars dernier, se tenait Antoine Zacharias, ex-PDG du groupe Vinci, prévenu d’abus de bien social. Mais, pour Isabelle Prévost-Desprez, microentrepreneurs, grands patrons ou bénéficiaires excentriques de donations extravagantes renvoyés devant elle et ses deux assesseurs sont liés par la même obsession : l’argent. « L’argent, le nerf de la guerre pour aboutir », dénonçait-elle, en avril 2007, sur un plateau de télévision.
Elle règle ses comptes
Il faut dire qu’Isabelle Prévost-Desprez ne manque pas d’exemples pour étayer sa conviction. A cette époque, elle vient de quitter le pôle financier du TGI de Paris, où, de 1998 à 2003, elle a instruit de nombreux et complexes dossiers qui lui ont valu d’être placée sous protection policière : Angolagate (avec Philippe Courroye), Volzer Fund, les otages du Liban et, surtout, les deux affaires du Sentier, à cause desquelles elle dit « avoir renoncé à (son) avancement pour les terminer » avant de partir pour Nanterre.
Le cheveu court et blond qu’elle triture souvent d’une main manucurée pour calmer sa nervosité, l’œil bleu et vif, elle connaît sa réputation de juge coriace et audacieuse. A l’instruction, comme aujourd’hui à l’audience, où elle est capable de passer en une seconde du franc sourire à l’admonestation sévère quand son interlocuteur lui semble botter en touche. « On exerce son métier jusqu’au bout, on ne discute pas, on ne négocie pas », disait-elle encore en 2007 lorsqu’on lui rappelait les critiques émises à son encontre par ses mis en examen « célèbres » (Charles Pasqua, Imad Lahoud, Jean-Charles Marchiani, Jean-Christophe Mitterrand, Daniel Bouton, Gérard Longuet…).
Fille d’un médecin lillois, mère divorcée de trois grands garçons, Isabelle Prévost-Desprez affectionne les polars, qu’elle dévore, surtout lorsqu’ils sont signés John Grisham ou Henning Mankell. Elle-même en a déjà publié deux, coécrits avec un ami chercheur, Thierry Colombié, où elle narre les aventures de Julie Cruze, une juge – forcément – incorruptible. Et, en mai dernier, un ouvrage (*) dans lequel elle défend la fonction de juge d’instruction, que Nicolas Sarkozy voudrait supprimer, et règle ses comptes avec un certain… Philippe Courroye.
(*) Une juge à abattre, éd. Fayard.
http://www.francesoir.fr/faits-divers-justice-politique/isabelle-prevost-desprez-la-lilloise-qui-ecrit-des-polars.22185
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