vendredi 1 avril 2011

« J'étais à bout, j'ai craqué à l'intérieur »

Le crime aurait pu être parfait. Christian Cocu aurait pu fuir. Ou rester et mentir. Mais le 2 décembre 2008, il a appelé la police. Rien ne prouvera à l'autopsie qu'elle soit morte par étranglement. Elle est décédée de mort réflexe car il a appuyé sur les sinus carotidiens. Un geste précis, peut-être appris à la légion étrangère. Le coeur s'est arrêté, mais pas de trace d'oedème ou d'agonie. « Elle n'a pas souffert », dira l'expert légiste.
Une bien maigre consolation pour les parties civiles. Une seule soeur de Jeanine Cocu (née Martin) est présente sur une fratrie de cinq. Une seule de ses deux filles, représentée par Me Emmanuelle Lequien, également. Elles veulent comprendre ce qui s'est passé dans la tête de Christian Cocu, défendu par Me Patrick Lambert. Lui-même ne se l'explique pas. « Ce jour-là, j'ai ressenti une colère, j'étais à bout, ça a comme craqué à l'intérieur. J'ai eu peur... ».
Il se dirige vers le lit d'où, dit-il, Jeanine l'insulte. Elle veut du cannabis car elle fume dix à quinze joints par jour. Il refuse. Il s'assoit alors à califourchon sur elle, lui serre le cou en fermant les yeux. Jusqu'à ce qu'elle se relâche... Morte. Ensuite ? Christian Cocu avale d'énormes quantités de ses anxiolytiques habituels. « Je n'arrivais pas à la quitter, je l'ai gardée à la maison » dit-il. Il avait 46 ans, elle 52. Le couple s'était marié quatre ans plus tôt, quasiment sans famille ni amis, et alternait disputes et réconciliations : 13 mains courantes en attestent.


Après les faits, il s'offre
la montre du Tour de France
Il reste à ses côtés dans l'appartement. Puis il sort s'acheter des chaussures et une montre, celle du Tour de France à 319 euros à l'espace Grand-Rue, alors que le couple vit des minima sociaux.
Il regarde des DVD, la série des Star Wars. Le corps est resté sur le lit. Les premières nuits, il dort à ses côtés.
Malheureux, hébété. Puis dans le salon car le travail de putréfaction avance et l'odeur devient intenable dans ce F2 coquet de la rue Lacroix. Il utilise un désodorisant, calfeutre la porte.
Le sixième jour enfin, il appelle le commissariat. « Je crois que j'ai commis l'irréparable, j'ai tué ma femme... », dit-il calmement.
Les policiers trouvent ses bagages préparés dans l'entrée, « Je savais que je partais en prison ». Il a même rassemblé ses petites voitures de collection, pour les donner au fils d'un ami.
Son récit des faits est plus ou moins précis. Était-ce le matin, l'après-midi ? Il ne sait plus. A-t-il voulu la tuer ? Il évoque un certain « soulagement » quand effectivement il l'a fait. Que s'est-il passé dans les heures qui précédent le drame ? « Rien de spécial » , d'après lui. La victime avait 1,75 g d'alcool dans le sang. Il ne se l'explique pas.
Depuis six mois, le couple n'avait plus de vie intime. Il évoque, parfois maladroitement, sa colère d'avoir tout donné à cette femme dépendante du cannabis, qui engloutissait jusqu'à 300 euros par mois dans cette addiction. Il dit : « Je reconnais, je regrette, c'est impardonnable, mais y'a du pour et du contre... ».
Lui-même est décrit par le psychiatre comme impulsif et peu sûr de lui. Son parcours est chaotique. Il perd son père et son petit frère de deux ans et demi dans un accident de voiture. Il n'a que 9 ans. Sa mère multiplie les conquêtes. Puis épouse son oncle, qui le bat. À 16 ans, il est placé en foyer, se met à boire. Il s'engage dans la Légion étrangère mais en sort « par la petite porte ».
Son premier mariage se solde par un divorce trois ans plus tard. Il n'a aucun contact avec son fils âgé aujourd'hui de 21 ans. N'a jamais versé de pension alimentaire.
Il ne sort pas de son alcoolisme. Quelques éclaircies dans son parcours quand même lorsqu'il est suivi par Inser'Croix. Un bénévole vient témoigner : « Il était gentil, il a offert des chars miniatures à mes enfants, ça m'a touché ».
Depuis son incarcération, Christian Cocu n'a eu aucune visite. Lorsque le couple vivait à Roubaix, une voisine les décrit « très love-love » et estime que c'est « un acte désespéré, un geste passionnel ». Elle a parfois vu M. Cocu dormir sur le paillasson.
La fille de la victime dira qu'elle ne se sentait pas accueillie lorsqu'elle venait rendre visite à sa mère. En larmes, elle crie, « Tu me disais quand je partais qu'elle était dans de bonnes mains, et tu l'as tuée, tu l'as laissée pourrir ! ».
Les plaidoiries des avocats ont lieu ce matin. Les jurés se réuniront dans la foulée

http://www.nordeclair.fr/Locales/Roubaix/2011/04/01/j-etais-a-bout-j-ai-craque-a-l-interieu.shtml

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