samedi 16 avril 2011

Kerlouan (29). Le corbeau n'est pas une femme

Après neuf ans d'instruction, l'épouse d'un marin pêcheur de Kerlouan vient d'être blanchie par la justice, après avoir été désignée à tort comme auteur de lettres anonymes. Le véritable corbeau n'a toujours pas été identifié.

«Ni moi, ni mon mari n'avons rien à nous reprocher. Nous aspirons aujourd'hui à retrouver la paix». Elisabeth Salou est soulagée. Le 7mars dernier, la justice a prononcé un non-lieu. Elle est désormais officiellement blanchie de tout soupçon. Mais ces dernières années ont été particulièrement douloureuses.
«C'est terrible d'être victime de rumeurs. On ne sait pas comment les arrêter», raconte cette Normande d'origine, qui a trouvé l'amour du côté de Ménéham en la personne d'une figure locale, Job Salou. Surnommé «le pirate», à cause d'un «look» hors du temps, ce marin pêcheur au caractère bien trempé a longtemps été désigné par la rumeur publique comme «le renard», cet inconnu qui, depuis 1985, s'en est pris à des dizaines de bateaux, les faisant couler ou coupant leurs amarres.
En l'espace de vingt années, plusieurs dizaines de plaintes ont convergé vers la gendarmerie de Lesneven, dont trois émanant de Job Salou lui-même, déplorant la perte de trois embarcations successives. Mais depuis 2006, plus rien: le renard s'est évanoui dans la nature, sans être identifié.

«Le renardet le corbeau»

Faute de coupable pris sur le fait, la justice s'est focalisée sur un autre aspect du dossier. En 2002 d'abord, puis en2006 et2008, trois vagues de lettres anonymes (une soixantaine au total) ont été adressées à des élus ou des personnalités de la commune.

Tantôt menaçantes, parfois désignant de présumés coupables, ces missives présentaient deux particularités: elles étaient écrites à l'aide d'un normographe - une règle transparente avec des lettres préformées - et comportaient nombre de fautes d'orthographe.
En 2004, la Justice mettait en examen Elisabeth Salou, secrétaire-comptable de profession, sur la foi d'une expertise graphologique qualifiée aujourd'hui de «complètement fantaisiste» par son avocat, Me Yann Pailler. Cinq ans plus tard, elle était officieusement mise hors de cause. «Les traces d'ADN exploitables sur les courriers désignent sans ambiguïté un auteur unique, de sexe masculin» témoigne le défenseur.
Elisabeth Salou n'a toutefois pas été immédiatement disculpée. «J'ai servi d'appât. Le juge d'instruction espérait une nouvelle vague de lettres anonymes et une faute permettant de faire tomber le corbeau», explique-t-elle. Le piège n'a pas fonctionné. L'épouse du «pirate» le regrette amèrement. La vérité éclatera-t-elle un jour? Elle en doute, son avocat aussi. «Kerlouan, c'est comme la Corse. Ici aussi, c'est l'omerta».
http://www.letelegramme.com/local/finistere-nord/brest/lesneven/kerlouan/kerlouan-29-le-corbeau-n-est-pas-une-femme-16-04-2011-1270450.php

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