Troisième journée du procès pour « homicide volontaire aggravé » de Romain Leroy et Cédric Lutz, hier, à Charleville. Les accusés reconnaissent les faits qui leur sont reprochés. Verdict ce soir.
LA cour d'assises. Un éternel recommencement de sang et de larmes. Depuis mardi, la salle d'audience du tribunal de Charleville-Mézières n'en a pas manqué. Mais ces larmes-là, déversées hier à 16 h 55 dans le box des accusés, personne ne les avaient vus venir. Celles de Romain Leroy, « cerveau » présumé du meurtre de Jonathan Sugot commis, à Rethel, le 1er avril 2008, en compagnie de Cédric Lutz. Face à la cour, Romain Leroy n'avait jusque-là jamais changé de peau. Agacé de voir les projeteurs braqués sur lui mais cherchant toujours à dompter la lumière. Systématiquement, l'homme au corps bodybuildé, à la voix caverneuse avait usé d'une attitude glaciale, bravache ou méprisante - son « Ah ouais ? Et tu vas faire quoi alors ? », lancé mardi à l'avocat général avait figé l'assistance.
À 15 h 55, la surprise fut donc totale. Dix minutes à peine qu'il répondait aux questions du président Gilles Latapie. Dix minutes qu'une nouvelle fois, il reconstruisait sa vérité de cette sale affaire. Certes, cette dernière réorientation n'aura pas été la moins anodine : pour la première fois, Romain Leroy annonçait que la grosse chaussette introduite dans la bouche de la victime, cause avérée du décès selon le rapport des experts, avait été placée par Cédric Lutz. Tout d'un coup, « Molotov » a changé de registre : « Je suis désolé, je demande pardon, je sais que ça ne fera pas revenir votre fils » Sa voix semble trembler, tout le monde tend l'oreille. « On dit que je suis grand et insensible, on me voit comme un monstre, on en veut à ma famille mais non, on ne voulait pas faire ça (tuer Jonathan Sugot, ndlr) ».
Chassez le naturel...
Placé face à lui sur le banc des parties civiles, le frère de la victime, entouré de sa famille effondrée par ce rebondissement, l'apostrophe en levant un bras : « Mais comment tu peux dire ça ? Tu lui as mis un truc dans la bouche, à mon frangin ! ». Pour la première fois du procès, le chagrin s'est mué en colère. De suite, Romain Leroy remonte la garde, se remet dans le costume du « lascar » qu'il n'avait jamais jusque-là quitté : « Arrête, pour ton frère et ta famille, même pas tu devrais dire ça ! ». De la salle monte un soupir de dégoût, d'indignation, peut-être de rage. L'instant est irréel. Simple rappel à l'ordre, un gendarme s'avance vers le banc des parties civiles. Le frère est calmé par ses parents. Le président reprend le contrôle de l'audience. Quelques secondes plus tard, une brève sonnerie de portable se fait entendre. Le président Latapie fronce les sourcils. Après cet instant de tension extrême, elle paraît vulgaire, cette sonnerie. Mais quelque part, elle fait aussi du bien, rappelle la vie de dehors.
Et sinon ? Les larmes de Romain Leroy, qu'elles aient ou non été sincères, ne changeront rien. Cette troisième et avant-dernière journée aura apporté son lot de démentis farouches, d'autojustifications, d'indignations, de reconnaissance des faits et de mise en cause du complice. Entre les deux, une hiérarchie s'est formée. Et certains faits et gestes aident à consolider cette dernière. Un exemple ? Au moment d'entrer dans le box des accusés, Romain Leroy est le seul à devoir abandonner aux gendarmes ses mains entravées.
Au final, beaucoup de questions resteront sans réponse : Jonathan Sugot a-t-il été volontairement poussé dans l'eau ? Par Romain Leroy seul ou par les deux accusés ? Quel était le mobile du crime ? Qui a introduit la chaussette dans la bouche de la victime ? Quand a-t-il été décidé de l'intimider ? Comment son code secret de carte bleue a-t-il été extorqué ?
Ce code, justement, le président s'y était attardé en interrogeant Cédric Lutz, un peu plus tôt dans l'après-midi. Dialogue.
- Mais s'il est bâillonné, vous lui faites avouer comment, ce code ? Chiffre par chiffre ? Il devait hocher la tête, c'est ça ?
- Exactement.
- Mais avec le stress et tout le contexte, ça a dû prendre du temps, non ?
- Oh… un bon quart d'heure.
- Et là, maintenant, vous en pensez quoi de cette situation ?
- Moi, j'en pense rien, je vous dis ce qui s'est passé, monsieur le président.
- Eh oui bien sûr…
http://www.lunion.presse.fr/article/ardennes/meurtre-de-jonathan-des-larmes-qui-ne-changent-rien
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