Le 24 août 2010, le gendarme Frédéric Marchand trouvait la mort en service. Alors qu'il poursuivait un chauffard, sa moto a percuté une voiture. La conductrice était jugée, hier matin. Son avocat a plaidé la relaxe.
PARCE qu'il y a eu mort d'homme et plus particulièrement d'un gendarme en service, l'évocation des faits sur le terrain du pur droit pénal a été, hier matin, quelque chose de douloureux à entendre pour Jessica Marchand, épouse de la victime et mère des trois enfants du couple. Me Mourad Benkoussa, l'avocat de la conductrice jugée pour homicide involontaire, a exposé à l'audience que sa cliente, « elle aussi, avait droit à ce procès ». Il entend donc plaider « le dossier, rien que le dossier » et c'est ce qu'il a fait. Il n'a pas, pour autant, ignoré la peine des deux femmes : « La souffrance de (la conductrice) n'est en rien comparable à celle éprouvée par les proches de Frédéric Marchand, mais l'émotion doit être partagée, elle existe. On ne refera pas l'histoire. » Les deux femmes ont affronté, hier, l'épreuve du procès en l'absence du véritable responsable, le chauffard que le gendarme avait pris en chasse à moto. Me Benkoussa l'a rappelé : « Il n'a pas pu ne pas le savoir. Il ne s'est jamais manifesté et n'a jamais assumé la responsabilité morale de cet accident. »
Faute ou pas faute ?
Au matin du 24 août 2010, la vie de deux familles va basculer. Le gendarme Frédéric Marchand est en service, il opère un contrôle de vitesse sur la RD 1029 entre Homblières et Origny-Sainte-Benoîte. Un chauffard est repéré circulant à plus de 122 km/h. Le gendarme de la BMO de Saint-Quentin se lance aussitôt à sa poursuite en direction d'Origny-Sainte-Benoîte. De son côté, la prévenue, aide à domicile, prend la route en sens inverse. Elle quitte Origny-Sainte-Benoîte pour se rendre à Regny où l'attend son premier client. Au lieu-dit « La Désolation » alors qu'elle tourne à gauche pour s'engager vers Regny, le choc avec la moto est inévitable. Le motard est tué sur le coup. Depuis cet instant, elle ne cesse de répéter : « Je ne l'ai pas vu, je ne l'ai pas vu… ».
« Comment est-ce possible que vous ne l'ayez pas vu ? » questionne le procureur de la République, Damien Sarvarzeix, puisqu'il est établi que les avertisseurs sonores et les gyrophares dont est équipée la moto étaient activés. Le représentant du Ministère public doit établir la faute de conduite commise par la conductrice pour obtenir sa condamnation. Il lui est reproché en la circonstance d'avoir coupé la route au motard.
Me Benkoussa plaide la relaxe au motif que le procureur de la République n'a pas rapporté la preuve du lien de causalité entre le comportement au volant de sa cliente et l'accident. « Vous n'avez pas le droit de juger sans prendre en compte la configuration des lieux, argue le défenseur de la conductrice, l'accident s'est produit dans une cuvette. » Autre point dont le tribunal ne pourra faire l'économie, poursuit le défenseur, « la grande vitesse du gendarme, certes pour les besoins de la cause » et pour laquelle, regrette-t-il, aucune expertise n'a été demandée. « Au XXIe siècle, la science est capable de déterminer plein de choses », avance l'avocat pour faire reposer la décision des juges sur des éléments techniques fiables, plutôt que sur les seuls témoignages que l'on sait par nature « subjectifs ». Le soleil était, selon le témoignage d'un routier porté à l'enquête, « rasant » à cette heure précise, 7 h 55, et à cet endroit de la route, enchaîne Me Benkoussa. Enfin, dernier point retenu, l'absence de traces de freinage. « Si ma cliente n'a pas vu le motard arriver, pourquoi lui ne l'aurait-il pas vu non plus ? » avance-t-il pour appuyer sa défense. Par conséquent, « les circonstances tiennent à d'autres événements que la faute de ma cliente », conclut Me Benkoussa. Et d'ajouter : « Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de faute pénale que moralement, elle ne va pas le porter toute sa vie. » Le procureur avait requis une condamnation à de la prison avec sursis, laissant au tribunal le soin d'en fixer la durée, ainsi qu'une annulation du permis de conduire et une interdiction de le repasser avant une période de six mois. La décision sera rendue le 17 mai.
http://www.lunion.presse.fr/article/aisne/motard-tue-relaxe-plaidee
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