Innocenter la Justice est plus important qu'innocenter un innocent", a commenté mercredi l'avocat de Dany Leprince dont la demande de nouveau procès a été rejetée par la Cour de révision qui a ordonné son retour en prison.
Cette décision est contraire au souhait du ministère public qui avait soutenu la requête en révision, stigmatisant une enquête mal ficelée. L'avocat général Claude Mathon avait demandé un nouveau procès et l'ouverture de nouvelles investigations afin d'examiner le rôle de l'ancienne épouse de Dany Leprince, Martine Compain, dans ce drame.
"Non", a hurlé la nouvelle épouse de Dany Leprince, Béatrice, à l'énoncé de la décision de la Cour de cassation siégeant en Cour de révision. "Je suis innocent. Je ne comprends pas", a lâché Dany Leprince avant d'être emmené par les gendarmes, menotté.
Il a été condamné en décembre 1997 à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une mesure de sûreté de 22 ans, pour les meurtres de son frère, de la femme de celui-ci et de deux de leurs enfants, le 4 septembre 1994 à Thorigné-sur-Dué, dans la Sarthe.
Ils ont tous été tués à coups de feuille de boucher, un hachoir. Seule la dernière fille du couple, Solène, âgée de deux ans, avait échappé au massacre.
Sa peine a été suspendue en juillet 2010, après seize ans derrière les barreaux, par la commission de révision, premier filtre avant la Cour de révision. La commission a considéré qu'il y avait des éléments nouveaux, inconnus de la cour d'assises, "de nature à faire naître un doute" sur sa culpabilité.
Ces nouveaux éléments étaient notamment une trace d'ADN sur un couteau, les nouvelles déclarations de Martine Compain, et le créneau horaire des crimes.
La page 26 de la décision prononcée mercredi dit exactement le contraire. "La chambre criminelle, statuant en Cour de révision, constate qu'il n'existe aucun fait nouveau ou élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un doute sur la culpabilité de Dany Leprince".
Lors de l'enquête de la commission de révision, Martine Compain déclarera aux experts qu'elle avait peut-être tué quelqu'un ce soir-là.
"On ne saurait accorder une quelconque valeur probante à de simples 'fragments de récit', selon l'expression même du rapport d'expertise, recueillis dans le cadre d'une relation de confiance d'ordre médical", a balayé la Cour de révision. Idem concernant les interrogations sur le créneau horaire des meurtres.
Sur les marches menant à la Cour de cassation, tel un boxeur groggy, Me Yves Baudelot est reparti au combat, évoquant avec véhémence les "invraisemblances" et "incohérences" du dossier.
"Elles sont monumentales et on n'en tient pas compte. Le moins que l'on pouvait espérer, c'est que, au moins, une nouvelle juridiction soit saisie de façon à pouvoir juger à nouveau Dany Leprince. Là, on lui refuse le procès. On lui refuse l'explication. On lui refuse la justice. Je suis profondément choqué", a-t-il dit.
Que la Cour de révision n'ait pas pris la peine de lire les motifs de sa décision est "d'une cruauté invraisemblable", a asséné Me Baudelot. Dany Leprince est "scandalisé". "Il croyait dur comme fer à la révision. Il était d'un optimisme total", a poursuivi l'avocat.
"C'est une terrible surprise et un échec effarant", a-t-il reconnu. Un peu plus tard, lors d'une conférence de presse organisée à la maison du barreau de Paris, Béatrice Leprince s'est effondrée. "Ce qui est terrible, c'est de croire, d'espérer et que tout soit cassé comme ça".
Me Jean-Denis Bredin, autre avocat de M. Leprince, a parlé de "mépris". "Il y a une absurdité totale du droit français", a relevé Me Bredin, faisant référence aux décisions contradictoires de la commission de révision et de la Cour de révision.
Depuis sa remise en liberté en juillet 2010, Dany Leprince vivait dans le Lot-et-Garonne avec sa nouvelle épouse. Jeudi soir, il dormira à La Santé. AP
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20110406.FAP7373/quadruple-meurtre-de-thorigne-sur-due-pas-de-proces-en-revision-pour-dany-leprince.html
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