vendredi 13 mai 2011

Clearstream : quand Villepin s'emporte

Le général Philippe Rondot a continué jeudi à décortiquer face à la cour d'appel de Paris les carnets où il a consigné les épisodes-clés de l'affaire Clearstream, mettant une nouvelle fois à rude épreuve la défense de Dominique de Villepin qui a fini par sortir de ses gonds. L'ancien agent de renseignement a troqué son costume anthracite contre l'ensemble kaki qu'il avait étrenné en première instance. Si la tenue a changé, l'aplomb est resté le même. Le militaire, qui a enquêté sur l'affaire Clearstream, a réaffirmé avoir eu connaissance de la falsification des listings dès juillet 2004 et en avoir averti immédiatement l'ancien Premier ministre. Ce que nie Dominique de Villepin. Ce point est central pour l'accusation qui affirme que le prévenu, alerté de la calomnie, aurait pu y mettre fin.
A cette époque, l'officier rentre de Suisse où les autorités viennent d'opérer des vérifications qui l'ont convaincu que les listings ont été falsifiés et que certains noms de personnalités, dont celui de Nicolas Sarkozy, y ont été ajoutés pour les discréditer. Le 19 juillet 2004, lors d'une réunion au ministère de l'Intérieur, "j'informe Dominique de Villepin de la certitude, j'insiste sur ce mot, que nous avons Philippe Marland (le directeur de cabinet de la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, ndlr) et moi-même de la fausseté des listings", assène le général Rondot. Dans une note qu'il a rédigée juste après, l'officier écrit : "Mes vérifications ne sont pas venues étayer la thèse de Jean-Louis Gergorin. Mes doutes et interrogations demeurent". Plus loin, il cite une remarque qu'aurait eue alors Dominique de Villepin: "Si nous apparaissons, le PR (le président de la République, ndlr) et moi, nous sautons". Philippe Rondot a redit jeudi, mais cette fois avec une indéboulonnable assurance, qu'il était alors convaincu que "les listings étaient faux". "Mes doutes et interrogations concernent seulement l'origine du montage et comment ça s'est passé."

"Farfelues"

Pour Dominique de Villepin, c'en est trop. Lui, qui depuis mercredi redoublait de courtoisie à l'égard du général, sort de ses gonds. "Moi, je veux bien qu'on fasse des hypothèses, tonne-t-il, mais ce n'est absolument pas ce qui est dit" dans les notes du militaire. Ces déclarations sont "farfelues". "Est-ce que j'aurais saisi le général Rondot si j'étais au courant de la fausseté des listings?! (...) Je ne sais toujours pas aujourd'hui ce qu'on me reproche. Comme ministre, j'ai obéi à des principes et je n'y ai jamais dérogé!" Il se rassoit. Solennel. La salle fait silence. Imperturbable, le général Rondot reprend sa place derrière le pupitre. "Bon, je poursuis..."

Quelques minutes plus tard, l'ancien diplomate repart à l'assaut pour contester la citation qui lui est attribuée sur le président et lui-même qui "sauteraient", semble-t-il si on apprenait leur rôle dans la dénonciation calomnieuse. Il la reconnaît mais en modifie l'interprétation. C'est qu'à l'époque, rappelle-t-il, "il y a des gens dans Paris qui disent que c'est le président de la République et Dominique de Villepin qui sont les responsables d'une manipulation. (...) Mes inquiétudes, elles sont politiques et médiatiques, au vu de ce qui circule car nous savons que Nicolas Sarkozy et son entourage désignent" des responsables. "Il y a eu dès l'origine l'impression qu'il y avait des coupables, le président de la République et moi-même". Le général Rondot aurait mal compris, car "la prise de notes est un exercice difficile. Il notait à la volée, sur son ventre, ça peut parfois conduire à différentes interprétations", dit Dominique de Villepin, qui immédiatement rassure en un large sourire: "je vous dis cela avec tout le respect que je porte au talent du général Rondot"

http://lci.tf1.fr/france/justice/clearstream-quand-villepin-s-emporte-6471529.html

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