Renaud van Ruymbeke a eu de la chance. Au premier procès, son témoignage désastreux avait été suivi par toute la presse. Hier, DSK lui a ravi la vedette. Il a donc pu reconnaître, sans rougir, sa grande « naïveté ».
LA salle d'audience de la cour d'appel de Paris, qui juge depuis le 2 mai le dossier Clearstream, est à moitié vide. Du moins les bancs réservés aux médias, appelés en renfort pour traiter « l'affaire Strauss-Kahn ». Le trio d'avocats de l'autre Dominique, M. de Villepin, s'en frotte les mains. En toute sérénité, leur client peut ainsi raconter qu'il n'a jamais « caché à Nicolas Sarkozy » son enquête sur la raison pour laquelle son état civil complet figurait sur les listings suspects de la chambre de compensation luxembourgeoise. « Il n'y a eu, de ma part, aucune volonté d'occultation ou d'omission de quoi que ce soit », indique l'ancien Premier ministre qui parle de « transparence totale ».
Pour un peu on le croirait, si bien sûr on ignorait tout de l'ire qui secoua son collègue Sarkozy lorsqu'il découvrit les basses manœuvres de Villepin enquêtant pour son propre compte ou pour celui du Président Chirac, ce qui revient au même. À sa décharge, l'ex-patron de la DST (Direction de la surveillance du territoire) corrobore sa version : Pierre de Bousquet de Florian jure que l'enquête a été faite dans les règles mais que, sans preuves obtenues, cela ne servait à rien d'alerter M. Sarkozy. Dominique de Villepin en profite pour enfourcher le cheval de bataille qu'il préfère : d'autres collègues du ministre Sarkozy « étaient au courant » de l'affaire et auraient donc pu le prévenir.
Du fin fond de sa retraite basquaise, Michèle Alliot-Marie doit percevoir en cet instant quelques ondes négatives. Elle n'est pas la seule : l'ex-procureur de Paris, Yves Bot, en prend aussi pour son grade qui, avisé des faits, de la possible manipulation, n'a pas stoppé la machine à temps.
Puis vient le juge Renaud van Ruymbeke, à qui le « corbeau » Gergorin a adressé ses trois missives anonymes. « Tout commence en avril 2004, raconte le magistrat, j'enquête sur l'affaire des frégates de Taïwan. » Il a la certitude que des rétro-commissions ont été versées pour décrocher le marché colossal que représente cette vente par la France. Il évoque les « 500 millions de dollars (qui) se sont évaporés en Suisse », il détaille sa chasse aux pots-de-vin qui bute sur l'impasse du secret défense. « Il y a des morts suspectes dans ce dossier, le climat est très pesant. » Il dit se trouver alors dans une « impasse totale ».
C'est dans ce contexte que le volatile fait entendre son croassement. Jean-Louis Gergorin, directeur de la stratégie d'EADS, qui voit des complots partout, expédie les listings au juge et dénonce l'implication de la mafia russe dans la corruption. M. van Ruymbeke y voit une aubaine. D'autant que, pour lui, le « corbeau » se démasque dans le huis clos du cabinet d'un avocat ami.
S'ensuivent des rencontres secrètes, qui coûteront cher au magistrat : pour n'avoir pas dénoncé son informateur, il fait l'objet de poursuites disciplinaires. Jean-Louis Gergorin lui a promis « du nouveau sur les frégates », donc il se tait. Le vice-président d'EADS « se disait en danger de mort et je croyais en sa bonne foi », indique Van Ruymbeke à ses pairs. « Je le trouvais très brillant, il me paraissait convaincu, même s'il y avait des éléments troublants. » Il ne l'a pas « balancé » parce qu'il avait « donné sa parole ». « Mais oui, convient-il, j'ai été naïf. »
Au moins n'a-t-il pas redit, comme en première instance, qu'il « connaissait peu » le journaliste Denis Robert et qu'il avait « rencontré quelques minutes » seulement Florian Bourges alors que ces deux hommes, l'instruction l'a démontré, l'ont discrètement aidé à mener son enquête.
Mercredi et jeudi, la cour entendra les parties civiles. Le réquisitoire est annoncé lundi prochain.
« Je croyais en la bonne foi de Gergorin »
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