C'est une jolie jeune femme, au visage fin et aux yeux amandes dessinés au crayon noir. Pourtant son regard est vide, et depuis quelque temps son sourire inexistant.
Il y a plusieurs mois, Sonia (1) est sortie de son silence. Seulement, après a levé le voile sur ce qu'elle subissait sur son lieu de travail, sa vie déjà cauchemardesque, s'était transformée en véritable enfer.
Cette Marignanaise d'une trentaine d'années voudrait bien que toute cette histoire, qu'elle nous avait confiée il y a quelque temps, et qu'elle livrera demain devant le tribunal correctionnel, ne soit qu'un mauvais rêve. Après avoir gardé secret son désarroi durant plusieurs années, et au vu d'une situation qui "empirait", elle avait souhaité témoigner "pour que ça n'arrive pas à une autre", mais également et surtout "faire réagir l'entreprise" dans laquelle elle travaille depuis maintenant dix ans.
Un harcèlement qui s'empirait depuis cinq ans
Salariée dans une société des environs, Sonia raconte avoir subi le harcèlement sexuel de son supérieur hiérarchique "depuis cinq ans, mais depuis 2008, c'était de plus en plus insistant." Par pudeur, elle ne rentrera pas dans les détails intimes, évoquant seulement des emails compromettants, des SMS plus que suggestifs ou encore des photos de type pornographique, que son chef lui envoyait.
Des faits et même des actes clairement explicités dans la plainte qu'elle a déposée au commissariat de Marignane, cet hiver, qui lui tire les larmes lorsqu'elle en refait la lecture. Aux dires de la jeune femme, l'homme, beaucoup plus âgé qu'elle, et marié de surcroît, jouait sur plusieurs tableaux.
"J'ai toujours refusé ses avances, alors il me rabaissait dans mon travail ou me mettait à l'écart de la "même manière que j'ignorais ses textos", m'a-t-il dit. Ensuite, il revenait à la charge avec insistance". Poussée à bout, la jeune femme menace alors de tout révéler, s'il ne cesse pas. "Il me disait qu'il me ferait passer pour folle, qu'il avait des contacts haut placés dans la boîte."
Prise au piège, de peur que personne ne la croit, et plus encore de perdre sa place, elle se tait et plonge peu à peu dans la dépression. "Je suis tombée gravement malade. Mon corps tout entier ne répondait plus, j'ai même cru que j'allais rester paralysée." Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même lorsqu'une responsable de la direction en déplacement sur les lieux, remarque que quelque chose ne va pas.
"Elle m'a dit, on parle beaucoup de toi sur le site, je ne te reconnais pas, ni ce qu'on dit de toi, surtout d'une personne en particulier... Qu'est-ce qui se passe ?" Sonia résiste aux questions de sa supérieure, qui a dû user de persuasion pour que la jeune femme se livre... enfin.
"Quinze jours" de tranquillité et puis...
Cette révélation qui avait fait l'effet d'une bombe au sommet de la hiérarchie marquerait-elle pour autant la fin de son calvaire ? "Quelquefois, je me dis que j'aurais mieux fait de me taire, parce que si je m'étais tue je n'en serais pas là aujourd'hui", confiait-t-elle, désabusée. Pourtant, une enquête interne a été menée pour faire la lumière sur cette sombre affaire. Les éléments auraient visiblement parlé d'eux-mêmes puisqu'après une mise à pied, l'homme qui avait 30 ans d'ancienneté, a été licencié. Mais pour Sonia, le soulagement n'aura été que de courte durée.
"Quinze jours", car depuis, à l'époque où elle s'était confié à La Provence, elle disait subir au quotidien les railleries d'autres employés. Ils ont compris qu'elle était mêlée à cette histoire, le jour où une annonce a été faite par la direction nationale, condamnant fermement tout type de harcèlement dans l'entreprise. Annonce à laquelle elle n'avait pu assister.
L'ambiance se serait considérablement détériorée, si bien que les incitations à quitter l'entreprise auraient été récurrentes. Et puis, à demi-mot, les yeux presque dans le vague, elle osera : "Et si je m'étais appelé autrement..." Pourtant, quelques jours après qu'elle se soit confiée à la presse, on assistait à un revirement de situation.
Après nos différents appels, la "double peine" dont était victime la jeune femme se serait atténuée et sa relation avec la direction aurait changé dans le sens d'une nette amélioration. Encore fragilisée, elle ira raconter son histoire devant le tribunal correctionnel d'Aix, demain, lors de la comparution de son harceleur présumé, poursuivi après l'enquête préliminaire menée par la police de Marignane.
(1). Pour respecter l'anonymat, le prénom a été modifié.
http://www.laprovence.com/article/a-la-une/marignane-une-affaire-de-harcelement-sexuel-jugee-en-correctionnelle
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