jeudi 1 septembre 2011

"Présumé coupable": Philippe Torreton dans l'enfer d'Outreau

Philippe Torreton s'est martyrisé pour incarner Alain Marécaux, l'huissier pris dans les filets d'Outreau. Mais il a eu autant de mal à quitter la peau de son personnage, dont il fait revivre le calvaire dans "Présumé coupable", de Vincent Garenq, qui sort mercredi.
A 45 ans, le sociétaire de la Comédie Française qui a passé son été avec Hamlet, avait perdu 27 kilos pour le rôle. Une manière d'approcher le calvaire de son personnage, un temps en grève de la faim.
Mais "le martyre, c'est lui qui l'a vécu. Moi, je n'ai perdu que 27 kilos, lui 50", nuance l'acteur.
Surtout, explique-t-il à l'AFP, "ce régime constituait la partie la plus rassurante, la plus facile de mon rôle en dépit de l'astreinte. Parce que ça, je pouvais contrôler".
Dix ans après le déclenchement des procédures qui conduisirent au fiasco judiciaire d'Outreau, le film est le premier à revenir sur l'affaire qui s'était soldée en 2005 par l'acquittement de 13 des prévenus, après deux procès aux assises.
C'est le récit qu'en a fait Alain Marécaux ("Chronique de mon erreur judiciaire"), accusé de pédophilie notamment sur son fils et innocenté après 23 mois de détention provisoire, qui a inspiré le scénario du film.
Emprisonné à Beauvais puis à Amiens, l'huissier que tout abandonne - épouse, travail, enfants, même sa mère qui décède alors - entame une grève de la faim qui le conduit au bord du gouffre.
"Comment rendre compte de ce chagrin? de ce craquage, d'un tel parcours de désespoir", s'interroge alors Philippe Torreton, confessant que certaines scènes lui "ont coûté et m'ont fait peur même, avant de les jouer".
Seul "Capitaine Conan", qui lui avait valu le César du meilleur acteur en 1997, avait continué de l'aspirer, longtemps après la fin du tournage.
Responsabilité
Et pourtant, il voulait tellement faire le film après avoir lu le scénario, avec un sentiment de responsabilité intense envers son sujet, qu'il était "prêt à y renoncer préventivement plutôt qu'être privé du rôle!".
Vincent Garenq ne l'a pourtant fait patienter que huit jours.
Le cinéaste, qui signe ici son deuxième long-métrage (après "Comme les autres"), voulait à l'origine "faire un film sur une histoire de France" et comprend qu'à l'arrivée il a tourné un "film militant", scotché à la réalité d'Alain Marécaux, telle qu'il la raconte.
"Compte tenu de l'ampleur du scandale judiciaire et par responsabilité envers Alain, il fallait être juste. On ne pouvait se permettre la moindre approximation: mon film c'est le degré zéro de l'imagination", revendique-t-il, en soulignant que son scénario a été "validé" par un haut magistrat, Serge Portelli.
"Je pensais que ces gens avaient été acquittés en 2005 et qu'un film parlant d'eux se verrait dérouler un tapis rouge, mais j'étais d'une naïveté totale" accuse-t-il: pas d'accès au tribunal de Saint-Omer, ni à la prison de Beauvais.
Et surtout, lors d'une avant-première devant des magistrats et du personnel judiciaire, le Garde des Sceaux de 2005, Pascal Clément, s'interroge à haute voix sur l'innocence d'Alain Marécaux et évoque les rumeurs, persistantes, concernant son comportement avec son fils aîné.
A ce moment là, le réalisateur et son acteur voient rouge. Torreton envisage même un droit de réponse public.
"Qui était sincère?" demande-t-il encore. "Le Garde des Sceaux qui présente des excuses en 2005 ou celui qui doute encore? Ces gens-là cherchent à trahir encore", s'insurge-t-il, en soulignant que le fils de Marécaux aujourd'hui âgé de 18 ans travaillait, avec son frère, sur le "Présumé coupable".
"C'était touchant de les voir, en régie, participer à la reconstruction de leur père".
http://www.lepoint.fr/culture/presume-coupable-philippe-torreton-dans-l-enfer-d-outreau-01-09-2011-1368898_3.php

Aucun commentaire: