Quatorze ans de procédure en forme de douche écossaise... La chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence rouvre aujourd'hui le dossier douloureux d'un accident de Canadair, le 17 novembre 1997, dans la baie de La Ciotat. Le copilote, Franck Duchemin avait péri tandis que le pilote, Éric Renoult subissait une fracture de la colonne vertébrale.
Les deux hommes venaient de participer à un exercice d'entraînement et simulaient un amerrissage d'urgence suite à une panne moteur lorsque l'avion, touchant l'eau à 75 noeuds, avait violemment freiné. L'appareil se cassait au niveau de la cabine de pilotage, après avoir basculé vers l'avant.
À l'origine de l'accident : l'amerrissage avec les portes à eau ouvertes. Deux collèges d'experts ont dédouané pilote et copilote d'une quelconque responsabilité mais se sont opposés sur l'équipement des CL 415, notamment les clignotants lumineux indiquant la situation des portes à eau. Selon les premiers, un système signalant l'ouverture des portes à eau en phase d'amerrissage aurait dû équiper les appareils. À l'image des sirènes qui retentissent dans les cabines de pilotage lorsqu'en phase d'atterrissage, le train n'a pas été sorti. "Le fait qu'aucune norme internationale ne l'impose et que l'aéronef ait obtenu une certification ne dispensait pas le constructeur de cette obligation", a toujours estimé le procureur général de la cour d'appel. En mai 2007, Bombardier était mis en examen pour homicide et blessures involontaires.
Mais, le 10 novembre 2010, les juges accordaient un non-lieu en faveur du constructeur canadien, au grand dam des parties civiles, l'épouse et les enfants de Franck Duchemin, Éric Renoult et un syndicat de pilotes. Non-lieu désormais définitif après le rejet d'un pourvoi en cassation. En novembre 2010, la chambre d'instruction, en décidant de mettre en examen Éric Renoult, soulevait la colère du petit monde de l'aviation civile. Et de Sylvie Bontant-Duchemin, l'épouse de la victime : "Jamais on n'a mis en cause un pilote pour la mort de son co-pilote". Son avocate, Me Marguerite Lions évoque même un "sentiment d'injustice" : "Les experts ont toujours exclu qu'une erreur humaine soit à l'origine de l'accident mais, en catimini, à l'issue de la première expertise qui le mettait en cause, le contructeur avait réinstallé un système de signalisation de l'ouverture des portes à eau".
Aujourd'hui, la cour d'appel va devoir trancher sur le sort judiciaire d'Éric Renoult, passé du statut de partie civile durant quatorze ans à celui de mis en cause. Fidèle à sa position, le parquet général requiert un non lieu en sa faveur : "Le dossier ne révèle à son encontre aucune faute caractérisée susceptible de justifier son renvoi devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire", écrit le procureur général.
Réponse de la cour dans quelques semaines. Beaucoup de dépit et d'inquiétude au terme de presque quinze ans d'une procédure alternant espoirs et déceptions. Le soulagement des parties civiles d'entendre ces réquisitions de non-lieu en faveur du pilote le dispute pourtant à l'amertume de voir ce dossier à rebondissements s'achever en quenouille. Encore une fois, pensent les victimes de cet accident, le pot de fer aura été plus fort que le pot de terre.
http://www.laprovence.com/article/a-la-une/accident-de-canadair-a-la-ciotat-un-non-lieu-requis-pour-le-pilote
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