samedi 21 avril 2012

Assises de Haute-Saône : Mohamed Moussati acquitté

Sans preuve formelle, et face à une innocence clamée depuis trois ans et marquée d’une « trentaine de demandes de remise en liberté », la cour d’assises et les huit jurés (quatre hommes et quatre femmes, dont deux remplaçants) tirés au sort lundi dernier pour juger Mohamed Moussati, ont décidé de son acquittement, vendredi après-midi, au terme d’une heure et demie de délibéré.
« Personne ne sortira indemne de ce procès », avait senti l’avocat des parties civiles, M e Franck Gardien. Au prononcé du verdict, et après cinq jours d’un procès tendu, des larmes ont autant coulé sur les visages des proches de Mohamed Moussati que sur ceux de la famille de Laura Juif. De soulagement, d’un côté. De peine de ne pouvoir mettre un nom sur le meurtrier, de l’autre. Dans le box des accusés, Mohamed Moussati est, lui, resté contenu.
Le « scénario » d’un crime de la jalousie développé par le ministère public, et soutenu par le conseil des parties civiles, n’a pas résisté au mordant de la plaidoirie des deux avocats de la défense, à leur capacité à s’engouffrer dans toutes les failles du dossier.
« La problématique », avait d’abord soulevé M e Randall Schwerdorffer, c’est que ce dossier repose sur « une histoire d’impressions ». « Et ne sachant pas tout, l’enquête a montré ses limites », a appuyé dans un second temps, M e Patrick Uzan.
Une enquête que le bâtonnier du Jura qualifie même de « minable » pour une affaire « notée à la cour d’appel de Besançon comme difficile », dans laquelle il n’y a « pas de preuves évidentes ». Mais des manques, comme celui de la prise en compte d’une mèche de cheveux retrouvée à côté du corps. « À qui sont ces cheveux ? Personne ne peut répondre », relève M e Schwerdorffer, « c’est une lacune dramatique de l’enquête. »

Le pull-over vert

La disparition de l’enregistrement vidéo de la garde à vue de Mohamed Moussati, élément important que la défense souhaitait voir diffuser au cours des débats pour décrire l’atmosphère de l’enquête, n’a fait que renforcer le doute. Pour la défense, « on s’est acharné dans ce dossier ». Les deux gendarmes qui ont mené l’interrogatoire de ce suspect ont été déchargés de l’enquête par le juge d’instruction. Ce qui, pour M e Gardien, n’enlève rien au « travail considérable » des gendarmes sur ce meurtre.
« Un doute très raisonnable », a appuyé M e Uzan, précisant, en se tournant vers la famille de la victime, que « le pire serait de condamner celui qui n’a pas tué votre fille ».
À la suite d’une altercation vers 5 h 40 avec un homme « à la voix maghrébine », Laura Juif a été tuée de plusieurs coups de couteau dans son appartement incendié de Luxeuil au petit matin du 24 mai 2009. Et « à aucun moment, Mohamed Moussati n’essaie de se créer un faux alibi », met en évidence M e Schwerdorffer. Oui, il y a eu « des mensonges » du côté de l’accusé. Notamment autour d’un pull-over vert lui appartenant, épargné du feu couvant et retrouvé maculé de sang près du corps. Il est le premier à en avoir parlé aux gendarmes en tant que témoin et à leur dire qu’il le portait ce soir-là, avant de se raviser sur la couleur bleue, croyant et craignant, expliquera-t-il, être inquiété pour une affaire de stupéfiants réalisée la veille au soir.
Mais personne n’a vu de ses yeux le visage de celui qui a quitté l’immeuble, la tête sous une capuche, à bord d’une voiture qui n’était pas celle de Mohamed Moussati. Vingt ans de réclusion criminelle étaient requis.
http://www.estrepublicain.fr/actualite/2012/04/21/mohamed-moussati-acquitte

Aucun commentaire: