dimanche 3 juin 2012

Joseph-Aristide Patat, le bigame de Noiron-lès-Cîteaux

Joseph-Aristide Patat est né à Neuville-aux-Joûtes dans l’arrondissement de Rocroi, dans le département des Ardennes, en 1820.
Sans formation professionnelle initiale précise, comme beaucoup de jeunes gens de sa génération et de son modeste milieu d’origine, le jeune et robuste Patat qui ne pleure pas sa peine « exerce mille métiers et connaît mille misères », selon l’expression consacrée. Il est tour à tour maçon, scieur, charpentier, journalier agricole, débardeur et, de fait, il mène une vie de patachon.
Le patachon, c’est au sens premier du terme, le conducteur de la patache ; on nommait patache, une diligence inconfortable dans laquelle les voyageurs étaient transportés à bas coût. Le patachon est toujours par monts et par vaux, il a tendance à ne pas se fixer et à mener une vie un tant soit peu irrégulière. C’est le cas de Patat qui est toujours sur les chemins, en train de chercher de l’embauche, à droite, à gauche.
Or, alors qu’il a 24 ans, Patat se fixe à Corpoyer-la-Chapelle, en Côte-d’Or. Une jeune fille de deux ans sa cadette est tombée amoureuse de lui et il l’épouse. Le jeune couple s’établit à Frôlois, mais l’union n’est pas heureuse et Patat reprend sa vie de patachon, passant une bonne partie de son temps hors du domicile conjugal.
Finalement, de guerre lasse, en 1868, à 48 ans, l’époux joue la scène bien connue de la boîte d’allumettes ou du paquet de tabac : un beau matin, il part pour une course au coin de la rue, course dont il ne rentrera pas, ni ce soir-là, ni les autres.

La seconde vie de Patat

Repris par la nostalgie des grands chemins et des sommeils à la belle étoile – déjà chers au philosophe du XVIII e siècle, Jean-Jacques Rousseau – notre Patat met le cap sur Dijon. C’est bien connu, on n’est jamais mieux caché que dans les grandes cités.
Là, notre homme rencontre un certain Gardey qui possède une scierie à Noiron-lès-Cîteaux. Patat est un bon scieur et Gardey a justement besoin de personnel, alors affaire est rapidement faite. Les pessimistes disent qu’un malheur ne vient jamais seul, ce à quoi les optimistes répondent qu’un bonheur ne vient jamais seul non plus. Et effectivement, non seulement Patat a trouvé ‘‘une bonne place’’, mais encore un cœur à prendre… celui d’Antoinette Hudelot. Elle a 24 ans.
S’il est plus que revenu des joies (et des affres) du mariage, elle, elle ne l’est pas encore. Et sans doute insiste-t-elle pour faire comme tout le monde : arborer une alliance, envoyer des faire-part à ses cousines dans le Jura, se faire appeler « madame », etc. Le scieur finit par céder aux instances de la jeune et fougueuse Antoinette ; sans doute est-il un brin inquiet ; il sait que le maire doit, conformément à la loi, publier des bans avant le mariage et les publier à la mairie de son lieu de naissance (Neuville-aux-Joûtes), dans la commune du mariage (Noiron-lès-Cîteaux), mais également dans son dernier lieu de résidence (Frôlois).
Le maire de Noiron est-il négligent, optimiste, mal informé ou les trois à la fois ? Toujours est-il qu’il fait l’impasse sur la dernière formalité. Et voilà notre Patat avec un nouveau fil à la patte et bientôt heureux papa d’un petit garçon. Tout est-il donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ?

Patat poursuivi et condamné

Un jour, un commis voyageur, un certain Simon Gautherot, pousse jusqu’à la scierie de Noiron, dans le cadre de ses fonctions. Précédemment, il a fait escale à Frôlois. Simon reconnaît-il en Joseph-Aristide, le nouvel époux d’Antoinette, l’ancien mari d’Anna ?
Bref, un commis cause ; il cause beaucoup et surtout, il cause aussi avec les gendarmes… Alors, le prudent Patat, sentant que tourne le vent, voyant se profiler les bourrasques de l’automne, n’attendant pas que les agents viennent toquer à son huis – l’air paterne mais l’œil lubrique – prend les devants. Aussi, quand la maréchaussée viendra à son domicile, ce sera pour constater que le scieur, son épouse et leur enfant se sont envolés. Enquête est diligentée.
Le maire de Noiron est vertement semoncé. Le 5 mai 1875, Joseph-Aristide Patat est condamné par contumace à vingt ans de réclusion criminelle assortis de vingt ans de haute surveillance pour bigamie. La vraie question demeure : où est parti Patat ?

Albine Novarino-pothier

Anthologiste et écrivain, Albine Novarino-Pothier a publié Les Grandes affaires criminelles de Saône-et-Loireet Les Grandes affaires criminelles du Rhône aux éditions De Borée.

http://www.bienpublic.com/faits-divers/2012/05/27/joseph-aristide-patat-le-bigame-de-noiron-les-citeaux

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