samedi 27 octobre 2012

Aucun jugement ne pouvait leur rendre Thomas

On ne saura jamais pourquoi l'automobiliste n'a pu voir le motard décédé suite au choc, ce jour de juillet 2011 à Givet. Dans un tel cas, la justice humaine a ses limites.
Ils n'étaient pas venus réclamer de l'argent. Les compagnies d'assurance se sont entendues sur les indemnités.
Ils étaient venus mardi pour « avoir le sentiment d'avoir accompagné Thomas jusqu'au bout, pour que le deuil puisse commencer à s'accomplir », ainsi que l'a justement dit leur conseil, Me Dupin.
Mais ses parents, sa compagne étaient venus aussi mardi au tribunal correctionnel de Charleville pour tenter de comprendre comment le drame s'était produit, par quel sinistre concours de circonstances leur cher Thomas, 32 ans, a trouvé la mort ce jeudi 21 juillet 2011, vers 17 h 45, sur la RD 46 à Givet.
Pas sûr que sur ce point, ils aient obtenu quelque réponse.
Avec tact et compassion, le président Wastl-Deligne a résumé les conclusions de l'enquête de gendarmerie. En cette fin d'après-midi estivale, vers 17 h 45 - « Il fait donc encore jour » -, Charlyne T. rentre chez elle au volant de sa Ford blanche. Elle doit tourner sur sa gauche pour emprunter la rue où elle habite. Elle n'a pas vu qu'une moto arrivait en sens inverse. Le choc est terrible.
La force de l'habitude ?
Thomas Huyghe, 32 ans, papa d'un petit garçon âgé de 4 ans, décède des suites de ses blessures le lendemain à l'hôpital. Le jeune passager âgé de 15 ans auquel la victime avait promis et offert une balade n'est blessé que légèrement.
La conductrice est choquée, mais son état ne nécessite pas d'hospitalisation.
Pas de trace d'alcool ou de stupéfiant dans le sang de l'automobiliste.
A la barre du tribunal correctionnel, prévenue d'homicide involontaire, la conductrice est incapable d'expliquer pourquoi elle n'a pas vu la moto. Ni entendu. Elle se souvient juste qu'il y avait des voitures garées dans la rue qu'elle allait emprunter.
Le président suggère que le défaut de vigilance fatal est peut-être dû à ce qu'on appellera la force de l'habitude ; ce trajet, l'automobiliste le connaissait par cœur et l'a effectué à des centaines de reprises.
A noter par ailleurs qu'aucune expertise n'a été réalisée pour déterminer la vitesse exacte à laquelle roulait la moto, qu'il n'a pas été possible de savoir si ses feux étaient allumés, qu'il n'a pas été relevé de trace de freinage.
Il y a bien eu faute
Pour ce qui est de la vitesse supposée, cependant, deux témoignages convergent, et laissent à penser qu'elle n'était pas excessive. Celui du passager, celui de l'automobiliste qui suivait la Ford blanche, et qui a vu le terrible choc. Selon lui, aucun doute, il y a bien eu faute de la conductrice. Personne n'en doute, d'ailleurs.
La compagne et le papa de Thomas disent comment leur vie a basculé. Un souvenir atroce pour la jeune maman qui s'est rendue sur les lieux de l'accident avant que son compagnon ne soit évacué. Tous deux disent aussi qu'ils ne comprennent pas l'attitude de la prévenue qui depuis, s'est « contentée » d'une lettre de condoléances. Pas d'excuses, pas d'explication, et donc une forme de rancœur.
Un peu plus tard, l'automobiliste dira n'avoir jamais eu la force d'aller rencontrer les parents du motard. Car elle ne peut donner aucune explication, elle ne comprend pas elle-même.
« L'infraction est caractérisée, mais non délibérée. Ni alcool, ni drogue, ni vitesse excessive comme on le constate parfois dans des drames de la route. Maladresse, manque d'attention. On n'aura jamais d'explication satisfaisante. La justice n'a pas ce pouvoir aujourd'hui, et il faut avoir l'honnêteté de le dire », convient le substitut Glaymann qui ajoute qu'aucune sanction ne peut être à la hauteur de la douleur et de l'absence cruelle du compagnon, du père, du fils unique.
Et de requérir une peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis à l'encontre de la prévenue, 39 ans, qui possède le permis depuis une vingtaine d'années, n'avait jamais eu d'accident jusqu'alors, et n'a aucune mention sur son casier judiciaire, reflet d'une vie ordinaire.
Son défenseur, Me Ledoux, suggère que lors du choc, le regard de la conductrice s'est peut-être fixé sur les voitures garées dans la rue perpendiculaire. Il ne nie pas la faute. Il comprend la réaction des parents et explique encore que l'automobiliste, « se sachant responsable, n'a pu trouver l'attitude adaptée vis-à-vis des proches de Thomas ».
Le tribunal a finalement condamné l'automobiliste à une peine de six mois avec sursis, et a annulé son permis.

http://www.lunion.presse.fr/article/ardennes/aucun-jugement-ne-pouvait-leur-rendre-thomas

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