mercredi 13 mars 2013

Procès / Une adolescente décède après une IVG

Deux praticiens ont comparu devant le tribunal correctionnel de Châlons pour répondre de fautes et manquements après le décès d'une adolescente, en décembre 2010, à la suite d'une interruption volontaire de grossesse.
COMMENT expliquer la mort d'un enfant ? La question devait, à n'en pas douter, tarauder un bon nombre d'esprits - la famille d'abord - lors de l'audience correctionnelle qui s'est tenue avec émotion, mercredi dernier, dans l'enceinte du tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne. Car c'était bien là l'enjeu, en plus de rendre justice : livrer à la famille la genèse d'un drame indicible, la mort d'une jeune fille qui avait tout l'avenir devant elle.
Au cœur des débats, deux anciens praticiens de la clinique d'Épernay, les docteurs Taubert et Mourad - aujourd'hui à la retraite, selon la direction de l'établissement -, devaient en l'occurrence répondre de plusieurs fautes et manquements après le décès d'une Sparnacienne de 16 ans, le 23 décembre 2010, neuf jours après avoir subi une interruption volontaire de grossesse dans les services de maternité de la clinique.
L'intervention s'était pourtant déroulée sans problème le 20 décembre. Mais trois jours plus tard, l'adolescente était revenue en urgence, au beau milieu de la nuit, en se plaignant de fortes douleurs à l'abdomen. Ayant indiqué au corps médical son allergie à plusieurs familles d'antibiotiques, on lui avait alors prescrit de simples antidouleur, qui s'étaient très vite révélés sans effets. Un kyste à l'ovaire susceptible d'être à l'origine des symptômes avait même été diagnostiqué puis extrait lors d'une intervention chirurgicale pratiquée le jour-même par le docteur Mourad.

Obtenir des réponses
L'état de santé de la jeune fille n'avait pour autant jamais cessé de se dégrader mais le nécessaire n'a jamais été entrepris, ni par le docteur Taubert ni par le docteur Mourad. Le 23 décembre, l'adolescente décédait sous les yeux du corps médical.
Sa mort brutale avait poussé l'Agence régionale de santé à saisir, fin 2010, le parquet de Châlons. Les conclusions de l'examen technique rendues par deux experts parisiens avaient ensuite clairement mis en cause la responsabilité des deux praticiens. On leur reproche notamment un certain nombre de fautes et de manquements, en particulier l'absence d'alternatives aux antibiotiques, un mauvais diagnostic et une mauvaise prise en charge. « Les deux médecins n'ont pas fait ce qu'ils auraient dû faire dans les règles de l'art », estime le procureur de la République de Châlons, Christian de Rocquigny.

Délibéré rendu le 20 mars
Aussi était-il important d'obtenir des réponses. Et parmi elles, la cause du décès. Il s'avère en l'occurrence que la victime a succombé à une infection grave au streptocoque A. Une infection qu'elle portait très probablement en elle avant l'IVG, mais dont l'effet inattendu a été de propager le mal en une infection invasive. Le choc septique a été aussi fulgurant que fatal.
La clinique n'est cependant nullement mise en cause dans cette affaire. L'examen technique diligenté par le parquet châlonnais a d'ailleurs révélé une probabilité très faible que l'infection ait été provoquée par un membre du personnel. Mais faute de soins adéquats, l'état de santé de la jeune fille s'est rapidement dégradé.
Les docteurs Taubert et Mourad ont cependant contesté avec force leur responsabilité dans la mort de leur patiente, tout en présentant leurs excuses à sa famille. Une famille bouleversée, meurtrie, comme le père de la jeune fille et sa compagne, présents à l'audience, qui, les premiers, attendaient des réponses.
Des peines de plusieurs mois de prison avec sursis ainsi que plusieurs milliers d'euros d'amende ont été requis par le ministère public à l'encontre des praticiens. Les avocats de ces derniers ont quant à eux plaidé la relaxe. Le délibéré sera rendu le 20 mars. En attendant, la direction de la clinique d'Épernay rappelle que la mort de cette adolescente est « un drame énorme qui a touché de manière considérable le personnel ». « Il s'agit de deux médecins réputés et reconnus qui travaillaient depuis 35 ans à Épernay, souligne-t-on. C'est un drame comme jamais on n'aurait pu l'imaginer. Nous avons tout fait pour tenter de comprendre ce qui s'était produit, avec le personnel et la famille et nous avons mis en place, depuis, un certain nombre de choses pour que cela ne se reproduise pas. » Reste que si la victime avait survécu, ses séquelles auraient certainement été considérables.


http://www.lunion.presse.fr/article/marne/proces-une-adolescente-decede-apres-une-ivg

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