mardi 11 juin 2013

Saint-Affrique. L'accusé confronté à ses pulsions

Un matin de mars 2011, Gaël se rend à la gendarmerie de Saint-Affrique. Ce jour-là, le jeune homme se décharge de ce poids qui l’empêche de s’envoler depuis si longtemps. 1998, dans son souvenir. C’est à cette époque que son beau-père, Bernard Maire, a commencé à le masser, le caresser avant d’aboutir à la pénétration. Cette nuit-là et pas mal d’autres, par la suite, alors que sa mère était dans sa chambre, à l’étage en dessous. Quand il en parle enfin aux gendarmes, c’est un enfant de 12 ans qui se souvient.
Bernard et la mère de la victime, Marie, sont en ménage depuis peu, il est devenu épicier dans un petit village du sud Aveyron. Le couple a donné naissance à des jumeaux. Gaël et son frère, Johan, vivent avec eux. C’est peu après la naissance des jumeaux que les faits se sont déroulés. Jusqu’à ce que Bernard et Marie se séparent, en 2002. Le frère, Johan, est lui aussi victime de ce que Bernard appelait «des massages», le beau-père se limitant à des caresses. Tout cela n’est qu’un grossier résumé de l’ordonnance de mise en accusation, lue avec application par le conseiller Régis Cayrol, qui préside les débats. Petit catogan, petites lunettes ; Bernard Maire se fait tout petit dans le box des accusés alors qu’arrive l’heure des explications.

Chercher la voie

Pendant plus d’une heure, le président va interroger Bernard Maire pour tenter de comprendre qui est cet accusé. Patiemment, il reviendra sur toutes les époques de sa vie. Sa jeunesse en Loraine dans une famille catholique pratiquante, au milieu de quatre frères, baignant dans la musique et se passionnant pour le scoutisme. «Une famille équilibrée» pour Bernard qui rappelle que ses frères ont, ou avaient, tous de bonnes situations. Lui, ça a été un peu plus dur, à l’école d’abord où il a souvent redoublé puis, ensuite, dans le déroulement de sa vie où sa seule constance a été de chercher sa voie. Ainsi, avant d’obtenir son CAP, il est parti sur la route, jusqu’au Danemark, puis a rejoint l’Arche de Lanza Del Vasto, attiré par la non-violence, l’œcuménisme et «le travail des mains». Là il rencontre celle qui, plus tard, sera sa première épouse. Mais pour rester dans la communauté il faut se marier. Indécis, ils préfèrent s’en aller. «On était jeunes, on n’était pas encore sûrs» ; «Vous aviez 29 ans tout de même», s’étonne le président. Ils auront un fils, Sylvain. Premier boulot dans une entreprise d’électronique, à Montpellier, avant d’enchaîner : sculpteur sur bois à Brusque, animateur technique à Sylvanès, patron d’un petit studio mobile, retour dans l’électronique à Saint-Georges de Luzençon, animateur culturel à Millau avant de revenir à Brusque pour devenir animateur spécialisé. Auparavant, il a quitté sa première épouse et c’est là qu’il rencontre Marie et qu’il deviendra épicier tout en accueillant des adultes handicapés chez lui.

À demi-mot

Une histoire qu’il déroule de façon très circonstanciée. Pendant tout ce temps, le président Cayrol a tenté d’aller au-delà, s’appuyant sur tout ce qui ressort du dossier mais que Bernard ne veut pas vraiment voir et qu’il ne reconnaît qu’à demi-mot. Comme cette attirance pour les garçons de son âge, dès la 6e. On parle d’émoi, aussi, pour les jeunes hommes dans la communauté de l’Arche mais cela restera «au-dessus de la ceinture».
Puis les faits qui lui sont reprochés aujourd’hui et qui ont mis au jour une réalité qu’il a bien du mal à accepter. «C’est en prison, avec les psys que j’ai pris conscience. Au moment des faits, je n’avais pas identifié cette homosexualité refoulée» ; «Mais assouvie», souligne le président.
Vient le temps des experts, psychologues et psychiatre qui soulignent «un discours cohérent mais factuel». Ainsi la psychologue remarque qu’il ne décrit pas ses parents mais leurs activités. Elle évoque un mariage par conformité, sans véritable désir sexuel pour les femmes. Pas de sentiment de culpabilité non plus puisqu’il prête aux victimes ses intentions. Ce qui a été confirmé tout au long des débats, Bernard indiquant que l’enfant était d’accord et même venait le voir. Le psychiatre insistant : «La description des faits semble être une source de plaisir». Tous deux de conclure qu’il n’est pas victime de maladies aliénantes, le procès peut donc continuer dès ce matin.

http://www.ladepeche.fr/article/2013/06/11/1647249-quand-l-accuse-a-du-mal-a-se-devoiler.html

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