mercredi 11 septembre 2013

Trois ans après la mort d'un gendarme près d'Eymet (24), encore des questions

Jacqueline Montouillout s’est retournée vers Jean-Jacques Pee-Nouque. L’a pointé du doigt. Et, la voix mêlée de larmes et de colère, s’est écriée : « Je veux que la justice punisse l’assassin de mon fils. Il a voulu se faire un poulet. Un gendarme. » Calmement, la présidente Audrey Sposito a rappelé à la mère du défunt militaire que le prévenu n’était pas jugé pour meurtre. « C’est bien dommage », a sangloté la mère éplorée. Quelques instants plus tard, elle sortirait, pour reprendre ses esprits.
Dans la salle comble du tribunal de Bergerac, l’émotion était palpable mardi après-midi. Dans l’assistance, la famille de Jacques Montouillout, décédé au soir du 28 février 2010, quelques heures après que Jean-Jacques Pee-Nouquet l’a percuté au guidon de sa moto. Mais aussi une dizaine de collègues en uniforme.

Ce jour-là, ce gendarme mobile, rompu aux opérations extérieures sur les théâtres tendus de la Bosnie et du Kosovo, effectue des contrôles routiers en compagnie d’un collègue. En fin de journée, à Saint-Julien-d'Eymet, il entend, au loin, rugir un moteur. Il reconnaît celui d’une moto, qui roule vite.
Quelques secondes plus tard, c’est le choc, fatal, entre le gendarme, venu sur la chaussée tenter d’intercepter le pilote, et l’engin roulant à une vitesse qui, mardi encore, a fait débat, mais excessive par rapport aux 90 km/h acceptés sur cette portion de la D 933.
Plusieurs automobilistes assistent à la scène. Autant de témoignages, ajoutés à celui du gendarme binôme de Jacques Montouillout et aux dépositions du prévenu, qui ont tissé un écheveau que le tribunal a tenté de démêler. Mais que la rapidité de l’accident rend encore plus complexe.
Alors, il y a des points avérés. Comme le fait que Jean-Jacques Pee-Nouque ait continué sa route après le choc. « J’ai paniqué », dit-il. Il assure n’avoir pensé qu’à son fils, 13 ans au moment des faits, qui se tenait derrière lui, sur la moto, pendant cette promenade qui a viré au drame, et qu’il voulait avant tout rendre à sa mère. Délit de fuite, selon les parties civiles. Caroline Lallé, procureur, « doute de sa bonne volonté » quand le prévenu dit qu’il avait l’intention de se rendre.
Mais de nombreuses questions restent encore sans réponse. Ou plutôt, elles en ont trop pour qu’on puisse déterminer laquelle est juste. Quelle était la position de Jacques Montouillout sur la chaussée au moment du choc ?
Faisait-il de grands gestes que Jean-Jacques Pee-Nouque, ancien maître de chai - qui a vécu de petits boulots depuis et qui est, par ailleurs, motard expérimenté - n’aurait pas pu manquer de voir ? Le gendarme s’est-il, comme le suggère Me de Caunes, son conseil, rendu coupable d’« une prise de risque inconsidérée » en se postant sur la route ? Le motard roulait-il du mauvais côté de la chaussée ? La chasuble réfléchissante et fluorescente, obligatoire lors des contrôles routiers et que ne portait pas le gendarme, aurait-elle permis d’éviter le choc ? « Faux débat », selon Caroline Lallé. « Elle améliore considérablement la visibilité du gendarme », selon Me de Caunes.
Dans sa plaidoirie, ce dernier a regretté « le manque de distance » du procureur de la République, tandis qu’elle demandait deux ans de prison avec mandat de dépôt. « Je n’avais pas prévu de requérir cette peine », a avoué Caroline Lallé, « choquée », a-t-elle dit, par l’attitude du prévenu, tout comme les avocats des parties civiles, toutes déjà indemnisées par la Mutuelle des motards. Pour elles, Jean-Jacques Pee-Nouque aurait été arrogant à la barre.
Me de Caunes a conjuré le tribunal de ne pas se fier aux apparences. Il a justifié l’attitude de son client par ses origines. « Il vient d’une région béarnaise où l’on n’éprouve pas le besoin, pour la façade, de s’excuser. »
Le tribunal rendra son jugement le 8 octobre.

http://www.sudouest.fr/2013/09/11/encore-des-questions-1165022-1980.php

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