vendredi 15 novembre 2013

Procès de l'incendie du Paris-Opéra : "Cet hôtel il fait très, très peur"

Huit ans et demi après l'incendie de l'hôtel Paris-Opéra en 2005, qui avait fait 24 morts, le procès s'est ouvert jeudi. Défense et parties civiles se sont dès le début insurgées contre l'absence d'une employée de la préfecture ayant effectué une visite de l'établissement un mois avant le drame.

Le procès du dramatique incendie de l'hôtel Paris-Opéra en 2005, qui avait fait 24 morts, dont neuf femmes et onze enfants, parmi les familles étrangères en difficulté logées dans l'établissement, s'est ouvert jeudi à Paris. Huit ans et demi après les faits, quatre personnes sont poursuivies pour homicides et blessures involontaires devant le tribunal correctionnel, le veilleur de nuit, Nabil Dekali, sa petite amie de l'époque, Fatima Tahrour, et le couple de gérants de l'établissement, et parents du veilleur, Rachid et Fatima Dekali. Mais ni les pouvoirs publics, ni les acteurs sociaux n'ont vu leur responsabilité engagée, alors que la plupart des 22 familles hébergées dans l'hôtel y avaient été envoyées par le Samu social, via des associations.

Défense comme parties civiles se sont dès le début d'audience insurgées contre l'annonce qu'une employée de la préfecture ayant effectué une visite de l'établissement un mois avant le drame refusait de venir témoigner. "Il s'agit d'une fonctionnaire chargée du contrôle des hôtels, il y a un hôtel qui brûle avec 24 morts et elle ne vient même pas à l'audience ? Mais c'est invraisemblable", a tonné Henri Leclerc, avocat de l'association des victimes. Et de demander au tribunal de délivrer au besoin un mandat d'amener contre ce témoin récalcitrant. Le tribunal a finalement demandé au parquet "de faire diligence auprès de Mme Decoret pour lui demander de venir".

L'incendie du Paris-Opéra avait été le premier d'une série dans des hôtels ou meublés de la capitale, abritant majoritairement des étrangers, qui avait fait 52 victimes en quelques mois et débouché sur un renforcement des normes anti-incendie dans l'hôtellerie. Le président a ensuite commencé un résumé de l'affaire, citant notamment la transcription du premier appel aux pompiers, par le veilleur de nuit d'un hôtel voisin, le 15 avril à deux heures vingt du matin: "Il y a plein de gens aux fenêtres, c'est tout l'hôtel qui brûle, on entend des sifflements, des carreaux qui cassent, il faut vous dépêcher". "De très nombreux hurlements sont clairement audibles en fond sonore sur toute la durée de l'appel", a précisé le magistrat. Onze des personnes tuées l'avaient été en se jetant des fenêtres de l'hôtel. Les premiers pompiers sur place décrivent "une scène apocalyptique" avec "une pluie de corps qui s'était abattue sur la voie publique, des gens paniqués jetaient des enfants par la fenêtre".
 
L'hôtel était "l'un des plus sûrs de sa catégorie", selon la défense
Fatima Tahrour reconnaît le geste déclencheur : elle avait jeté en quittant l'hôtel des habits sur des bougies placées au sol, là où le couple s'installait la nuit sur une couche improvisée. Elle avait, selon son défenseur Philippe Blanchetier, agi  "par dépit" d'être maltraitée par Nabil Dekali. Ce dernier, qui avait consommé alcool et cocaïne, est accusé de n'avoir pas immédiatement alerté les pompiers, tentant en vain d'attaquer les flammes à l'extincteur. L'hôtel était par ailleurs sur-occupé, avec 77 personnes présentes pour une capacité d'accueil fixée à 62. Enfin, Nabil Dekali n'avait pas la formation anti-incendie obligatoire.

Me Romain Boulet affirme pour les gérants que l'hôtel était "salubre, un des plus sûrs de sa catégorie, il n'y avait aucune condition indécente de logement". Mais un premier témoignage d'un homme placé là avec sa famille 10 jours avant le drame, donne un autre ton. "Je travaille dans le bâtiment et quand j'ai visité je n'ai pas voulu y aller, j'ai dit franchement cet hôtel il fait très très peur, mais finalement on n'a pas eu le choix", explique Mohamed Ouled ben Habib. Sa chambre était au deuxième étage, il a réussi à se sauver par la fenêtre avec sa femme et ses deux enfants.

Le procès est prévu jusqu'au 22 novembre. Le fils et son ex-petite amie encourent trois ans de prison, les gérants cinq, avec la circonstance aggravante de manquement délibéré aux règlements.
 

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