mardi 11 février 2014

Nancy : les petites mains de la "mafia des pelleteuses" nient

Une bonne trentaine d’années, les cheveux coupés courts, ils présentent un profil identique, à la barre du tribunal correctionnel de Nancy. Les mots, eux aussi, sont les mêmes, ou presque. L’un ne « comprend pas », l’autre n’a « pas d’explication ».
Le déroulé patient de la première journée des suspects de la « mafia des pelleteuses » (notre édition de dimanche) a suivi un cours attendu. Presque classique pour un dossier de type mafieux où la parole est rare, pour ne pas dire absente. Surtout si l’on songe que certains des principaux suspects sont absents à l‘audience. Sur la vingtaine de personnes poursuivies, huit ont pris la peine de répondre à la convocation de la JIRS de Nancy (juridiction interrégionale). « Elles savent qu’elles n’ont pas trop le choix », observe un avocat. « Car de toute façon, la Roumanie fera appliquer les sanctions qui seront prises. »
Parmi les prévenus, trois vivent en France, les autres arrivent de Borsa, une petite ville au nord de la Roumanie, aux portes de l’Ukraine. C’est là qu’est désigné l’épicentre criminel de l’organisation épluchée depuis hier. Les magistrats nancéiens examinent avec minutie les responsabilités des uns et des autres dans la soixantaine de vols avec effraction commis à travers la Lorraine, la Bourgogne et l’Alsace notamment, entre 2008 et 2010. Au total, 130 machines agricoles et de chantier ont été dérobées pour un préjudice de près de huit millions d’€.
« Obezu » (l’obèse), considéré comme le principal commanditaire, n’est pas là. « Il a des problèmes de santé », a précisé son avocate Me  Boudiba, certificat médical à l‘appui.
« Le mégot a pu être transporté de Roumanie »
Avec la difficulté de la langue de surcroît, l’enjeu consiste donc dans ce contexte à hiérarchiser les rangs. Car pour ce qui est des déclarations, inutile de miser sur le moindre aveu. Ce, malgré l’épaisseur d’un dossier bâti sur des repérages téléphoniques, des preuves ADN parfois, des recoupements aux allures d’évidences souvent.
Les prévenus, pour l’essentiel des « petites mains » défilent, avec une rhétorique huilée, ce qui ne la rend pas crédible pour autant. Entre les maladresses sur le terrain et les informations transmises par les autorités roumaines, l’étau de la pression judiciaire paraît en place, malgré les dénégations. L’un assure être « victime d’une machination » destinée à « atteindre son frère, un ancien du Ministère de l’Intérieur devenu juge ». Son voisin met en cause d’éventuelles défaillances techniques de la téléphonie roumaine. Un troisième veut faire croire qu’un mégot porteur de son ADN, retrouvé sur un chantier vidé de son matériel pendant la nuit, a été « transporté depuis la Roumanie » dans le but de l’incriminer. La présidente Catherine Hologne tente de lui ouvrir les yeux : « Et vous pensez vraiment qu’une explication comme ça, c’est crédible ? »
Le téléphone d’un quatrième est retracé à travers différents sites vidés des engins. « C’est celui de l’entreprise de mon père et il y a beaucoup de chauffeurs… ». Les magistrats s’interrogent sur la famille d’un prévenu. « Vos frères travaillent dans l’administration ? » Réponse spontanée : « Non, non, ils sont honnêtes ».

http://www.estrepublicain.fr/actualite/2014/02/11/un-vaste-chantier-de-negations-smwz

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