Un miraculé s’avance à la barre. Malgré le souffle reçu de plein fouet, des brûlures au 2e et 3e degrés sur 60 % du corps, un mois de coma et le pronostic initial des médecins qui le donnaient pour mort, Éric Duloquin a survécu à l’explosion de gaz qui a tué quatre de ses voisins à Witry-lès-Reims, le 3 avril 2013, rue de la Neuville. Peu de séquelles visibles, mais une voix fatiguée et l’autorisation de s’asseoir lors de son audition à la barre du tribunal correctionnel de Reims, lundi, au premier jour du procès rassemblant dans une salle des assises bondée trente parties civiles, familles des défunts et locataires de l’immeuble sinistré.
Alcoolisme chronique
L’expert technique interrogé en matinée est formel : l’explosion s’est produite « au milieu de l’appartement de M. Duloquin », la fuite provient de son appartement et le robinet d’arrivée de tuyau de gaz retrouvé dans les décombres « en position grande ouverte, dépourvu de bouchon obturateur » est bien le sien, autant d’affirmations qui devraient être contestées aujourd’hui par la défense.Le médecin traitant d’Éric Duloquin fut alerté par une patiente. Début 2013, il adressait un courrier à l’Udaf : « Je pense qu’il est impératif de supprimer le gaz de son appartement. » Décision fut prise de remplacer l’installation par une cuisinière électrique, et de confier l’intervention à la petite entreprise de Jean-Robert Augustin, Rémois de 54 ans.
Avec la cuisinière récupérée par l’Udaf auprès d’une autre personne assistée qui la vendait 40 euros, l’artisan s’est présenté l’après-midi du 2 avril chez Éric Duloquin pour l’installer. « Quand je suis rentré, M.Duloquin est allé regarder la télévision dans le salon et j’ai vu la gazinière avec un feu allumé sans ustensile dessus. C’est moi qui l’ai éteinte. »
Après avoir fermé la vanne et retiré la gazinière, l’artisan a constaté qu’il n’avait pas de bouchon pour obturer le tuyau d’arrivée. « Je lui ai demandé où se trouvait son compteur de gaz. Il m’a dit qu’il ne savait pas. Je n’ai pas insisté. De toute façon, je n’aurais pas pu lui couper le gaz car il n’aurait plus eu de chauffage ni d’eau chaude. »
Jean-Robert Augustin escomptait revenir poser un bouchon le lendemain. « Il me paraissait saoul », avait-il dit de son coprévenu lors de l’enquête, l’accusation qualifiant ainsi son attitude condamnable en ce sens qu’il ne pouvait qu’avoir conscience du danger à laisser l’installation en l’état avec une personne alcoolisée.
Il dément à la barre : « Je n’avais pas la tête à ce que je disais. Mon corps était là mais mon esprit près des gens sous les décombres. M. Duloquin n’avait aucun signe d’alcoolémie. Je ne pensais pas qu’il allait ouvrir la vanne.
– Pourquoi n’êtes-vous pas allé acheter un bouchon pour revenir le poser le jour même ? », interroge le procureur.
« J’interviens chez des personnes qui n’ont pas trop d’argent. Dès qu’il y a des frais supplémentaires, je dois demander l’autorisation à l’Udaf de les engager. J’avais quitté M.Duloquin vers 17 h 30. Vu l’heure, je n’avais pas pu contacter l’Udaf. Ce n’est pas une question de coût, mais une question de principe. C’est un schéma de travail. J’étais coincé par ce schéma. »
Une vague d’indignation parcourt la salle à l’annonce du prix d’un bouchon obturateur : « Trois euros cinquante chez Leroy-Merlin ! »
http://www.lunion.presse.fr/region/quatre-morts-pour-un-bouchon-de-gaz-a-3-5-ia3b24n342964
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