lundi 26 janvier 2015

Affaire Bettencourt : après 8 annnées de rebonds rocambolesques, le procès

Huit ans après le début de la saga judiciaire, le procès pour "abus de faiblesse" à l'encontre de la milliardaire Liliane Bettencourt s'ouvre ce lundi à Bordeaux. Parmi les dix prévenus, figure notamment l'ancien ministre Eric Woerth. Nicolas Sarkozy a lui bénéficié d'un non-lieu en 2013.

La riche et généreuse Liliane Bettencourt a-t-elle été victime d'un entourage peu scrupuleux ? C'est à cette question que vont tenter de répondre à compter de ce lundi et durant 5 semaines les juges bordelais, huit ans après le début de cette affaire aux innombrables rebondissements judiciaires.
Au final, dix personnes, dont l'ancien ministre UMP Eric Woerth, sont poursuivis dans le volet "abus de faiblesse" de l'affaire, premier d'une série de procès dans un dossier aux ramifications multiples (cf encadré ci-dessous). L'ex-président de la République, Nicolas Sarkozy, un temps soupçonné et mis en examen en 2013, dans le volet de l'enquête portant sur un possible financement politique occulte, a finalement bénéficié d'un non-lieu.
Réconciliée avec sa fille fin 2010, la milliardaire, aujourd'hui âgée de 92  ans, affaiblie, et depuis trois ans en retrait de la scène publique, sera la grande absente du procès.
 
Dix prévenus sur le banc

Parmi les habitués soupçonnés d'avoir profité de la vulnérabilité de la vieille dame, âgée de 92 ans, et 11e fortune du monde, figure notamment l'homme par qui le scandale est arrivé : l'artiste et photographe
François-Marie Banier, 67 ans, intime de la nonagénaire. Son compagnon Martin d'Orgeval, 41 ans, sera également sur le banc. Les deux hommes, poursuivis pour abus de faiblesse et blanchiment, sont soupçonnés d'avoir profité de largesses, notamment sous forme de dons pécuniaires et d'oeuvres d'art, se chiffrant en centaines de millions d'euros. Egalement poursuivi pour abus de faiblesse et blanchiment, Patrice de Maistre, 65 ans, l'ex-gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt : il est soupçonné d'avoir profité de la vulnérabilité de la milliardaire, alors qu'elle souffrait de sénilité depuis septembre 2006, selon une expertise psychiatrique de 2011 dont les résultats devraient être âprement débattus à l'audience.
  
Le député UMP Eric Woerth, 58 ans, ex-ministre du Budget et du Travail de Nicolas Sarkozy et ancien trésorier de sa campagne lors de l'élection présidentielle en 2007, est quant à lui renvoyé pour recel d'abus de faiblesse, à propos d'une somme que lui aurait remise Patrice de Maistre. L'avocat Pascal Wilhem, qui avait succédé à Patrice de Maistre, et un de ses clients, l'entrepreneur audiovisuel Stéphane Courbit, sont accusés d'avoir poussé la milliardaire à investir 143 millions d'euros dans l'entreprise de ce dernier.
Le 23 janvier, Stéphane Courbit a accepté de rembourser l'intégralité de la somme à la famille Bettencourt a-t-on appris à la veille du procès.
Deux notaires, Jean-Michel Normand et Patrice Bonduelle, sont, eux, renvoyés pour complicité d'abus de faiblesse. Enfin, son dernier infirmier,  Alain Thurin (abus de faiblesse), et l'homme qui gérait son ancienne île aux Seychelles, Carlos Cassina Vejarano (abus de faiblesse et abus de confiance), seront également à la barre de ce procès prévu pour durer cinq semaines.
Un conflit familial à l'origine de toute l'affaire

A l'origine de ce feuilleton politico-financier hors normes, qui a secoué le mandat de Nicolas Sarkozy, des rivalités au sein de la famille, lesquelles éclatent au grand jour fin 2007 : la fille de Liliane Bettencourt, Françoise Bettencourt-Meyers, en conflit avec sa mère, dépose plainte à l'encontre de François-Marie Banier. A l'appui de la plainte, des enregistrements de conversations, réalisés à l'insu de la milliardaire à son domicile par son majordome. Or ces écoutes-pirates, en partie divulguées dans la presse, révèleront d'autres faits donnant lieu à l'ouverture en cascade de plusieurs enquêtes. A l'issue de six années d'une procédure dépaysée à
Bordeaux, fin 2010, depuis Nanterre, douze personnes avaient été mises en examen dans ce volet abus de faiblesse. Deux ont bénéficié d'un non-lieu, dont Nicolas Sarkozy.
  
Vers un renvoi du procès dès le premier jour ?

Un ultime rebondissement, intervenu fin 2014, devrait venir perturber le début d'audience : Claire Thibout, comptable de Liliane Bettencourt de 1995 à 2008, considérée comme un des témoins-clés, a été mise en examen le 28 novembre pour faux témoignages, suite aux plaintes déposées en 2012 par MM. Banier et de Maistre. Au cours de l'enquête, Claire Thibout avait accusé les deux hommes d'avoir profité de la fragilité de la milliardaire pour lui soutirer de l'argent. Elle  a notamment affirmé avoir remis à Patrice de Maistre 50.000 euros, somme qui aurait été destinée à Eric Woerth. Elle avait également fait état de l'emprise de François-Marie Banier sur sa patronne, désormais placée sous la tutelle de son petit-fils.

Si le dossier ne repose pas uniquement sur le témoignage de l'ex-comptable, plusieurs avocats de la défense veulent le renvoi du procès. Une salve d'incidents de procédure est donc attendue dès l'ouverture de l'audience.  
 

Aucun commentaire: